Éco & coconception : Elan bâtisseur
E
Synthèse
Contexte
La Coopérative d’activité et d’emploi (CAE) Élan Bâtisseur est fondée en 2008 en Ille-et-Vilaine. Elle compte aujourd’hui près de 70 entrepreneurs-salariés, et a souhaité en 2021 se munir de ses propres locaux. Précédemment, l’organisation de la CAE ne comptait pas de locaux partagés de cette taille. Cependant, au regard de son évolution et de sa structuration en tant qu’acteur de l’éco-construction, de la rénovation énergétique et du bâti ancien, Elan Bâtisseur a souhaité se munir d’un lieu commun d’activité, de rencontres et d’échanges. Le projet était double : d’une part proposer un atelier aux artisans de la structure afin de leur permettre d’exercer leur activité, et d’autres parts créer un espace de travail avec des bureaux, et un espace commun, appelé Agora.
Le lieu, conçu collectivement par les artisans d’Élan Bâtisseur, sert également de vitrine des compétences de la coopérative. En effet, les savoir-faire des entrepreneurs sont mis en valeur à travers les produits mis en oeuvre, en insistant sur le volet éco-conception, utilisation de matériaux bio et géosourcés. On retrouve des produits tels que la paille en mur séparatif, entre l’espace bureau et l’atelier, la terre sous forme d’enduit de finition, le bois en structure et revêtement ou encore le liège en isolant et en revêtement de sol.
La particularité du projet s’inscrit aussi dans la gouvernance et la co-conception entre une maîtrise d’ouvrage exécutante, qui réalise les travaux et les concepteurs mandatés par celle-ci. Les échanges ont donc été nombreux et riches entre le cabinet d’architecture 10i2la et Elan Bâtisseur, puis Ameizing. Il est important de souligner dans cette conception particulière que le déroulé classique de la conception du bâtiment a été revue pour répondre à cette gouvernance. Toutefois, l’exercice permet de s’interroger sur les pratiques de conception et de consultation dites traditionnelles.
Par ailleurs, le projet a été l’occasion de mettre en oeuvre des produits de réemploi dans un contexte antérieur aux réglementations que nous connaissons aujourd’hui. Cette approche volontariste a permis pour la structure Elan bâtisseur et 10i2la un premier retour d’expérience sur les sujets de méthode de dépose sélective et de remploi entre chantiers.
Objectifs prioritaires
- Mutualisation d’espace, d’équipements et de ressources ;
- Création d’un lieu d’échange entre professionnels du bâtiment et de la rénovation ;
- Réalisation d’un projet démonstrateur (biosourcé, intégration professionnelle…) ;
- Respect du bilan économique de l’opération, pour maintenir l’équilibre financier de la CEA.
Difficultés et enseignements
• Concevoir selon les compétences et capacités de mise en oeuvre des exécutants ;
• Coordination et pilotage de travaux complexes entre la maîtrise d’oeuvre et des exécutants «donneurs d’ordre» ;
• Prise en compte de l’acoustique entre un espace bureaux, l’agora et l’atelier.
Facteurs de réussite
• Elan bâtisseur est à la fois maîtrise d’ouvrage et exécutant des travaux ;
• Capacité de phasage entre les rénovations successives ;
• Maîtrise d’oeuvre volontaire dans la démarche de co-conception ;
• Maîtrise des coûts et de la mise en oeuvre par Elan Bâtisseur.
Description
Gouvernance
La réussite de ce projet repose sur une étroite collaboration et une forte coopération. En effet, ce sont les artisans d’Élan Bâtisseur qui ont travaillé de manière collective pour la rénovation de leurs locaux. De plus, les missions de maîtrise d’oeuvre ont été réparties entre deux entités : le cabinet d’architectes 10i2la, chargé de la conception du projet, et la CAE des métiers de la conception et de l’ingénierie en bâtiment, du paysage et de l’urbanisme, nommée Ameizing, responsable de la coordination et du suivi
du chantier.
Ces derniers ont souhaité participer au projet mais également se rassembler dans les mêmes locaux, en raison de leurs statuts communs et de coopérations
précédentes sur d’autres projets.
Créée en 2017, la Coopérative Ameizing accompagne les professionnels des métiers de l’ingénierie et de la conception en bâtiment des secteurs de l’habitat individuel et collectif, du tertiaire et des collectivités territoriales. Elle compte près de 60 entrepreneurs
installés en Bretagne et en Pays de la Loire qui forment un réseau de savoir-faire complémentaires.
Élan Bâtisseur a opté pour le statut particulier de la CAE (Coopérative d’Activité et d’Emploi) qui fait d’elle une structure offrant la possibilité à tout porteur de projet de débuter et développer son activité dans un cadre autonome et mutualisé. Grâce au statut
« d’entrepreneur-salarié », les artisans peuvent bénéficier d’un accompagnement et tester leur activité.
Démarche de co-conception
» Ce projet est un démonstrateur à
Benoît DUFRAICHE, Architecte, 10i2là
plusieurs titres, c’est la co-conception
d’un lieu qui est à la fois un outil de travail
et de représentation des valeurs portées par
la CAE ainsi que des compétences de ses
membres (l’agora, typique du lieu, est ainsi
représentative du mode de fonctionnement
coopératif et en devient l’emblème). Par
son programme et sa réalisation, le siège
d’Elan bâtisseur est un précurseur qui donne
à voir la mutation possible et désirable
des zones d’activités en pleine mutation
(entre la pression foncière, le contexte ZAN,
les évolutions de modes de travail et de
déplacement, etc.)
C’est un projet qui nous pousse à sortir de la
page blanche : à faire avec le déjà-là, dans
un contexte de raréfaction des ressources. Ça
a été fait ici en intégrant la maîtrise d’usage
(démarche participative), le métabolisme
urbain (réemploi) et la ressource locale,
abondante et décarbonée (paille, terre crue).
Enfin, c’est un projet atypique avec une
maîtrise d’ouvrage très sachante qui va
réaliser pour elle-même le chantier, donc
une quasi-conception/réalisation qui a
grandement facilité la démarche de réemploi
par exemple. Ce projet a été pour moi l’objet
d’un vrai plaisir de conception et de partage,
qui je l’espère se ressent à l’usage ! «
Détails constructifs
L’existant :
Le projet
Les choix constructifs sont le croisement entre la conception du projet, la capacité d’Elan bâtisseur à réaliser les travaux et la commande du projet. Ainsi les matériaux et techniques de l’éco-construction sont mis en avant dans cette réalisation. Le temps de mise en oeuvre n’a pas été un frein pour ces techniques comme pour la paille, les enduits ou le réemploi puisqu’Elan Bâtisseur était en maîtrise de la commande et de la mise en oeuvre.
Territoire et site
Insertion urbaine & paysagère
Elan Bâtisseur est situé dans la zone industrielle de la Haie des Cognets, au sein du parc d’activités d’Airlande, à Saint-Jacques-de-la-Lande. Ce site bénéficie d’une proximité immédiate avec la rocade rennaise, accessible en seulement 5 minutes en voiture, au sud-ouest de la métropole bretonne. À l’est, il est limitrophe de la ville de Saint-Jacques-de-la-Lande, à l’ouest, il est bordé par la vallée de la Vilaine, et au sud, il est directement influencé par la zone de protection de l’aéroport de Rennes-Saint-Jacques. Le projet d’Elan bâtisseur illustre les mutations à l’oeuvre ou possible dans les zones d’activité en périphérie de Rennes.
Énergie / Climat
Besoins Énergétiques
Pour mener à bien le projet et afin d’étudier toutes les solutions techniques disponibles pour rendre le bâtiment économe en énergie, Elan Bâtisseur a souhaité une Simulation Thermique Dynamique (STD).
L’étude a permis de qualifier le masque solaire créé par les éléments verticaux proches et lointains. Les bâtiments tertiaires, mitoyens à l’ouest et proches à l’est projettent une ombre importante le matin et le soir. En journée, les arbres entourant le bâtiment apportent aussi de l’ombrage. Ces masques diminuent de 29% les apports solaires bruts et augmentent le besoin d’éclairage. En contre partie, ils apportent du confort vis-à-vis des surchauffes estivales.
La surface chauffée prise en compte est de 506 m2 , pour une performance de 104,4 kWh/ m2.an. En outre, la moyenne de la puissance calorifique sur le bâtiment est de 31 W/m3. A titre de comparaison, un projet passif se situe à 10 W/m3 et un projet RT 2012 à 35 W/m3.
La source principale de déperdition sur le projet est le renouvellement d’air avec plus 70% de la répartition. Elle témoigne de la performance de l’enveloppe. La STD préconise l’installation d’une CTA au rendement supérieur (n>90%), la mise en place de menuiseries thermiques performantes et un complément d’isolation du plancher bas. Ces préconisations n’ont pas donnée suite au regard de l’économie de projet.
Coût carbone et saocial
Confort / Santé
QAI
La centrale de traitement de l’air double flux offre des avantages significatifs en termes d’efficacité énergétique, de qualité de l’air intérieur, de confort thermique et de respect de l’environnement, ce qui explique son installation sur ce projet. Toutefois l’installation nécessite une programmation et un réglage fin, qui n’est pas encore atteint aujourd’hui, notamment au regard de l’équilibrage des débits. Pour autant, son installation permet un renouvellement d’air de l’ensemble des salles de réunion, même celles n’ayant pas d’ouverture sur l’extérieur. Une simple flux n’aurait pas permis ce renouvellement d’air et la gestion du CO2 en particulier.
L’emploi de matériaux naturels tels que la terre est favorable à la réduction des COV par l’absence de polluant chimique. Le complexe paille-terre est aussi favorable à la qualité de l’air intérieur. Par ailleurs, le matériau terre-crue participe au confort thermique du bâtiment par l’apport d’inertie et sa capacité hygrothermique intrinsèque.
Confort d’été
L’implantation du bâtiment, en particulier la partie bureau, dispose d’un ombrage favorable au confort d’été avec cinq feuillus de grande taille situés à une dizaine de mètres du pinion ouvert sur l’agora. Le rayonnement solaire est diminué l’été par leur feuillage, ce qui permet de maintenir des températures intérieures plus fraîches.L’hiver, les apports solaires sont conservés en l’absence de feuilles. Cette végétation participe au confort visuel du lieu en diminuant les effets d’éblouissement et participe à l’ambiance de l’espace extérieur en continuité de l’agora.
Confort acoustique
Contrairement à l’idée reçue, les locaux sont très peu impactés par les bruits ambiants dues à la zone industrielle, l’atelier et l’aéroport. La qualité de l’enveloppe permet une très bonne absorption de ces nuisances.
Par opposition, les bureaux qui se situent en périphéries peuvent être perturbés par les bruits aériens provenant de l’agora. Ce grand volume et la qualité de l’enveloppe participe à la diffusion des voix notamment. Les cloisonnements et les portes d’accès aux salles et bureaux permettent d’isoler les espaces de travail. Des réflexions sont en cours pour trouver des solutions afin de réduire les bruits aériens de l’agora, comme des panneaux acoustiques suspendus.