La Cie Rit
Synthèse
Contexte
« Au commencement, il y a ce refrain qui trotte dans la tête de nos 4 foyers : notre habitat ne répond pas à nos envies, à notre mode de vie, à nos goûts ou à nos univers respectifs !…
Chacun(e) cherche de son côté le mouton à 5 pattes qui le(la) comblera ; souvent trop cher, trop loin, trop moche !
Une question nous taraude : si nous nous y mettions à plusieurs, pourrions nous voir les choses différemment ? »
Après une première tentative d’achat d’une longère à rénover qui n’aboutira pas, le groupe constitué de 4 familles (3 au départ) poursuit ses recherches en se donnant 3 mois pour trouver un autre lieu. Elles décideront finalement d’acheter un terrain et de s’engager dans un programme de construction. Ce projet d’habitat partagé en auto-construction aboutira dans un délai particulièrement court.
Objectif prioritaire
- Construire un habitat partagé et coopératif en créant un collectif qui assure à la fois des missions de promoteur, maitre d’oeuvre et constructeur.
Facteur de réussite
Le groupe s’est constitué autour de quatre familles d’âges et de provenances différents qui ne se connaissaient pas forcément avant le démarrage du projet : c’est le partage de valeurs communes et la capacité à s’impliquer fortement dans l’auto-construction qui a permis au projet d’aboutir si rapidement. La définition de ces valeurs communes a d’ailleurs précédé la recherche du site et a conduit le groupement à se structurer en Société Civile Coopérative de Construction (SCCC). Il faut noter que les membres du groupe disposent de compétences variées et complémentaires :
- accompagnement depuis plusieurs années des projets d’habitat groupés au sein de l’association L’Epok,
- reconversion professionnelle et suivi d’une formation de charpentier qui a pu être mise a profit sur le chantier,
- gestion des aspects économiques (conduite de projet, suivi budgétaire, négociations commerciales,…).
D’une façon générale, chacun a été impliqué dans les achats de matériaux et outils, le choix des entreprises, le suivi de chantier, la gestion des plannings et de la logistique quotidienne (chantier, gestion des enfants,…). Après la réalisation des travaux de fondation, terrassement et ossature bois, 4 personnes, une par famille, assurent une présence permanente sur le chantier.
A l’échelle de la commune, les élus ont bien compris et adhéré au projet, ce qui a été un élément facilitateur.
Difficultés et Enseignements
Le planning était très serré, l’emménagement était prévu pour décembre 2014. Malgré la sollicitation de professionnels pour certaines tâches techniques, le chantier n’a pu être fini dans les temps et certains ont dû trouver une solution d’hébergement temporaire.
Le montage juridique du groupement est atypique et nécessite de trouver une expertise compétente pour l’accompagner. Au delà du temps consacré à intégrer les textes de loi qui régissent les différents types de structures possibles, ce montage juridique engendre un coût financier.
Le choix de réaliser une partie du chantier en auto-construction a généré des réticences auprès des assureurs qui ont notamment conduit à revoir la prestation de l’architecte qui ne pouvait plus assurer le suivi de chantier à partir du moment où le maitre d’ouvrage intervenait pour son compte sur des lots « critiques ».
Dès les premières phases du chantier, il leur a fallu se mettre dans la peau de professionnels, voire de promoteur avec toute la rigueur qui s’impose. « Les discussions pour raccorder un bâtiment collectif au réseau électrique ou au réseau d’eau ne se fait pas de la même manière que pour un particulier et il faut savoir parler la même langue que les interlocuteurs qui gèrent ces services. »
Témoignage de la maîtrise d’oeuvre
« Le groupe était organisé, je n’ai jamais ressenti la lourdeur du collectif. J’arrivais avec des propositions, ils se réunissaient et les validaient en confiance avec mon expertise. » Cécile GAUDOIN, architecte
Témoignage de la maîtrise d’ouvrage
» Le chantier s’est globalement bien passé et avec le recul on a eu de la chance car on avançait sans filet, seuls à assumer les risques potentiels, mais c’est cette prise de risque qui a permis au projet de se faire. Le groupe était constitué de familles qui ne se connaissaient pratiquement pas et nous sommes devenus vraiment amis à l’issue de ce chantier.
Après plus d’un an et demi d’occupation, on confirme le très bon confort thermique de nos logements, on n’est pas loin du bâtiment passif. Les espaces partagés ont été très bien investis, plus que ce qu’on imaginait. Si c’était à refaire, il faudrait mieux ventiler la toiture pour un meilleur confort lors des journées les plus chaudes d’été (cf. onglet Confort / santé). Le choix de cloisons en panneaux de bois plutôt qu’en Placo aurait probablement permis de gagner du temps sur le chantier tout en diminuant les coûts. » Pierre GINIBRE, copropriétaire, constructeur, cohabitant.
Description
Mode constructif
Il s’agit d’un petit collectif à ossature bois en R+1 plus combles, avec une isolation répartie en ouate de cellulose et fibre/laine de bois.
Enveloppe
Composition | Épaisseur isolants (cm) | U (W/m2.K) | |
---|---|---|---|
Murs | bardage ventilé / pare pluie / fibre de bois / laine de bois / OSB scotché (rôle de pare vapeur) / laine de bois entre tasseaux | 22 / 14,5 / 6 | 0,182 |
Plancher bas | OSB / ouate de cellulose entre poutres / OSB / chape sèche Fermasol / revêtement | 30 | 0,133 |
Toiture | bac acier / lame d’air / fibre de bois / ouate de cellulose insufflée entre pannes et tasseaux / OSB | 22 / 30 | 0,144 |
Menuiseries | bois/aluminium double vitrage Minco | Uw = 1,4 |
Systèmes
Logement 1 – 107 m2
Facteur compacité C = 2,63*
Nature | |
---|---|
Chauffage | Poêle à bois Jotul 162, rendement de 83% P = 2243 W |
Ventilation | Aldes Compact micro Watt – 92 m3/h simple flux hygro B P = 10 W |
ECS | Ballon électrique de 200l |
Logement 2 – 111 m2
Facteur compacité C = 1,93*
Nature | |
---|---|
Chauffage | Poêle à granulés MCZ EGO, rendement de 92% P = 1790 W |
VMC / ECS | Atlantic aeraulix 92 m3/h P = 14 W Système 2 en 1 : l’air extrait chaud entre dans le système 2 en 1, aspiré par le ventilateur de la VMC. La pompe à chaleur récupère les calories contenues dans l’air extrait et chauffe l’eau dans le ballon. L’air vicié rafraîchi est ensuite rejeté à l’extérieur. |
Logement 3 – 146 m2
Facteur compacité C = 1,92*
Nature | |
---|---|
Chauffage | Poêle à bois, rendement de 80% P = 2365 |
VMC | Simple flux hygro B – Aldes compact micro Watt 120 m3/h P = 12 W |
ECS | Ballon électrique de 200l |
Logement 4 – 89 m2
Facteur compacité C = 2,34*
Nature | |
---|---|
Chauffage | Poêle à bois, rendement de 80% P = 1747 |
VMC | Simple flux hygro B – Aldes compact micro Watt 77 m3/h P = 8 W |
ECS | Thermodynamique Sanden COP 3,42 |
(*) le facteur de compacité est le ratio entre la surface des parois déperditives et la surface habitable
Territoire et site
Mobilité
Le choix du terrain a été motivé par le souhait de vivre en milieu rural, de pouvoir emmener les enfants à l’école à pied et si possible en pouvant rejoindre Rennes par le train. Saint-Germain-sur-Ille se trouve sur la ligne ferroviaire Rennes/Montreuil-sur-Ille qui est une ligne bien desservie pour les trajets domicile-travail.
Urbanisme
En termes d’urbanisme, le projet prévoit environ 300 m2 de foncier par famille puisque la parcelle mesure 1250 m2, c’est une pratique cohérente avec la volonté de densification.
Foncier
Le terrain recherché devait répondre à la contrainte d’être divisible.
La recherche n’est pas facile car les offres de foncier sont souvent fléchées vers des promoteurs. A force de persévérance, un notaire signale au groupe un terrain dans un bourg au nord de Rennes, où le projet pourrait être reçu de façon favorable.
C’est en effet cette parcelle de 1 250 m2 à Saint-Germain-sur-Ille qui sera retenue. Initialement dédiée à un projet de collectif de 13 logements puis à 4 lots individuels séparés, la parcelle ne trouve pas suffisamment d’acquéreurs. La mairie est sensible au projet présenté par le collectif : 3 ou 4 logements semi-collectifs et des parties communes. Le compromis de vente sera signé très rapidement en décembre 2011 et le permis de construire 1 an plus tard.
Bioclimatisme
Comme l’illustre l’étude thermique, les choix architecturaux en terme de volumétrie fonctionnent très bien. La compacité recherchée a permis d’atteindre de bonnes performances. Le facteur de compacité varie de 1,92 à 2,63 entre les logements, avec une moyenne pour le bâtiment de 2,05. A titre de comparaison, la moyenne calculée par le bureau d’étude Hinoki, sur les 25 projets passifs traités au moment de l’étude, est de 3,34.
La bonne orientation du bâtiment permet de proposer une exposition privilégiée sud.
En plus de la compacité et de l’orientation, l’approche bioclimatique a été traitée par l’architecte en travaillant le zonage des différents espaces de vie. Les séjours sont orientés au sud avec de larges surfaces vitrées. Le bâtiment étant aligné sur l’extrémité nord de la parcelle, le dégagement offert par le jardin minimise les masques solaires. Les quelques arbres à feuilles caduques apportent un ombrage appréciable en été en réduisant les épisodes d’inconfort tout en laissant pénétrer les calories en hiver.
L’originalité du projet réside dans la création d’un espace de vie partagé entre les différents occupants tout le long de la façade nord. En plus de répondre aux besoins des occupants de pouvoir disposer d’un espace commun dédié entre autres aux jeux des enfants, au partage d’activités ou de repas et au rangement, cette zone dessert l’ensemble des logements et joue le rôle d’espace tampon entre l’habitat et l’extérieur sur l’exposition la plus défavorable d’un point de vue thermique. L’ossature bois supporte des panneaux de polycarbonate sur les 3/4 de la hauteur du mur et la totalité de la toiture.
Énergie / Climat
Besoins énergétiques
La compacité du bâtiment est évaluée à l’aide du facteur de compacité noté C. Il s’agit du rapport entre la surface de parois déperditives et la surface habitable. A surface habitable constante, plus ce facteur sera faible moins le bâtiment aura besoin d’énergie pour se chauffer.
Surfaces déperditives : 932 m2
SHAB : 454 m2
RATIO C : 2.05
Le facteur de compacité a également été calculé pour chaque logement (cf. onglet Description).
Comme le souligne le bureau d’études Hinoki :
« Cette valeur est très faible. Sur les 25 bâtiments passifs dimensionnés par Hinoki, la moyenne de cette compacité se trouve à 3.34.
Il faut donc bien moins d’isolant pour atteindre un niveau de performance élevé. Concrètement ceci démontre l’intérêt de l’habitat groupé dans le domaine énergétique, car avec une surface habitable égale il aurait fallu des murs, planchers et plafonds 1,5 fois plus épais (en terme d’isolants) pour atteindre la même consommation. »
L’étude thermique réalisée en phase Projet précise, pour chaque logement, les besoins de chauffage et les estimations de consommations pour les postes chauffage, ventilation et production d’ECS.
Chauffage :
Logement | Besoins en kWhef/m2/an | Conso. en kWhef/an | Coût |
---|---|---|---|
N° 1 (4 pers.) | 29,7 | 3853 | 2,5 stères de bois |
N° 2 (4 pers.) | 16,8 | 2054 | 102 |
N° 3 (5 pers.) | 18,5 | 3388 | 2 stères de bois |
N° 4 (4 pers.) | 23,8 | 2662 | 1,5 stère de bois |
Ventilation
Logement | Conso. en kWhef/an | Coût en €/an |
---|---|---|
N° 1 (4 pers.) | 87,6 | 10 |
N° 2 (4 pers.) | 122 | 14 |
N° 3 (5 pers.) | 105 | 12 |
N° 4 (4 pers.) | 70 | 8 |
ECS
Logement | Conso. en kWhef/an | Coût en €/an |
---|---|---|
N° 1 (4 pers.) | 1860 | 223 |
N° 2 (4 pers.) | 1296 | 155 |
N° 3 (5 pers.) | 2223 | 266 |
N° 4 (4 pers.) | 545 | 65 |
Total
Logement | Conso. en kWhef/an | Coût en €/an |
---|---|---|
N° 1 (4 pers.) | 5801 | 223 € + 2,5 stères |
N° 2 (4 pers.) | 3472 | 271 |
N° 3 (5 pers.) | 5716 | 279 € + 2 stères |
N° 4 (4 pers.) | 3395 | 73 € + 1,5 stères |
Les valeurs présentées dans ce tableau sont des estimations qui se basent sur une utilisation standard des logements et des données météorologiques moyennes. Ces estimations sont faite sous l’hypothèse d’une étanchéité à l’air de 0,6 n50. A l’usage, il s’avère que les consommations de bois sont du même ordre de grandeur que ces estimations.
Usagers
La question de l’usage est ici directement intégrée dès les phases amont du projet dans la mesure où les usagers sont à la fois maîtres d’ouvrage, promoteurs et acteurs de la réalisation de l’ouvrage. Ils ont de fait une connaissance très précise des caractéristiques de leur logement et de leur fonctionnement.
Climat
Concernant les transports, les émissions de gaz à effet de serre des habitants de la Cie.Rit ont probablement peu évolué depuis leur situation antérieure. Si 3 personnes travaillent à domicile et que beaucoup utilisent le train pour se rendre à Rennes, l’accès aux commerces ainsi qu’aux structures sportives ou associatives, notamment pour le enfants, génère plus de déplacements en voiture.
La compacité du bâtiment a un impact positif en réduisant les besoins en matériaux et donc l’énergie grise tout en diminuant les besoins de chauffage. Le chauffage au bois au bilan carbone neutre a été retenu par l’ensemble des habitants.
Eau
Gestion des eaux de pluie
Un récupérateur d’eau de pluie a été installé ; il sert à l’arrosage du jardin.
Assainissement
Chaque logement est équipé de toilettes sèches et de toilettes conventionnelles. Les toilettes sèches sont équipées d’un séparateur d’urine afin que seules les matières fécales soient mélangées à de la sciure ou des copeaux pour être compostées dans le jardin. Ce choix a été fait pour diminuer le volume de stockage du compost sur la parcelle. Les urines sont aujourd’hui rejetées dans le réseau mais un projet est à l’étude pour les collecter et permettre leur valorisation sur une plateforme dédiée. La séparation de l’urine et des excréments solides permet de s’affranchir du désagrément lié à l’odeur si la quantité de matière sèche rapportée est insuffisante et permet surtout de diminuer considérablement le volume de compost en facilitant le traitement.
Mesure et évaluation
Le suivi des consommations a été mis en place pour l’eau puisqu’il n’y a qu’un abonnement pour les 4 logements. 2015 a été la première année complète d’occupation.
Général | Commune | Logt 1 | Logt 2 | Logt 3 | Logt 4 | |
---|---|---|---|---|---|---|
2013 | 5 | 5 | 0 | 0 | 0 | 0 |
2014 | 128 | 22,2 | 11,6 | 44,7 | 28,0 | 32,7 |
2015 | 216 | 36,6 | 28,8 | 72,1 | 43,6 | 53,6 |
Répartition des consommations d’eau en m3
Déchets
Déchets d’activité
Chaque famille composte ses déchets de cuisines. 4 blocs composteurs sont mis à disposition sur la parcelle pour assurer la rotation : 2 sont dédiés à ces déchets, 2 autres sont réservés aux toilettes sèches. Seul le compost issu des déchets de cuisine est utilisé pour le potager, celui qui est alimenté par les toilettes sèches est réservé aux plantes d’ornement afin d’éviter un éventuel problème sanitaire.
Chacun assure un tri de ses déchets en respectant la collecte sélective proposée dans la commune. La gestion de quelques déchets comme les piles ou les cartons est assurée de manière collective.
Confort / Santé
Electromagnétisme
Dans l’un des 4 logements, les gaines électriques sont blindées afin de limiter l’exposition des occupants aux champs électromagnétiques émis par le réseau électrique.
Bien être des occupants
Confort thermique d’hiver
Dans un des logements situé à l’extrémité du bâtiment, la famille utilise un poêle à bois qui ne fonctionne pas en journée. En hiver, lorsque les températures ne sont pas excessivement froides, la température descend rarement en dessous de 16° en journée lorsque le logement est inoccupé. La température ressentie reste tout à fait acceptable dans la mesure où le taux d’humidité est faible et la température des parois extérieures se maintient à une température proche de celle de l’air intérieur. Une fois le poêle rallumé, le logement étant thermiquement « dynamique », il faut moins d’une heure pour atteindre une température confortable.
Confort thermique d’été
L’isolation de la toiture est un peu sous-dimensionnée pour assurer un bon confort lors des chaleurs estivales. Un double lattage aurait permis d’augmenter l’épaisseur de la lame d’air, d’améliorer la circulation d’air et le refroidissement de la toiture métallique. Une augmentation de l’épaisseur de l’isolant (35 cm à la place des 22 cm installés) aurait également permis d’augmenter le déphasage en contribuant à limiter les surchauffes dans les chambres situées sous les rampants.
Dans le logement situé à l’extrémité est, une occultation s’est avérée nécessaire pour la baie vitrée située sur le pignon afin de prévenir l’inconfort dans les premières heures de la journée. La végétation offre un masque suffisant au sud pour les ouvertures du rez-de-chaussée. Certains ont choisi de tendre des voilages à l’horizontal au dessus de leur balcon à l’étage pour améliorer le confort en été. Enfin, un brise soleil orientable mécanisé a été installé sur l’ouverture située à l’étage de la façade ouest.
Equilibre hygrothermique
La serre située au nord est en polycarbonate et donne lieu en hiver à une forte condensation due à la différence de température entre l’intérieur et l’extérieur. Une surventilation de cet espace permettra de réduire cette gêne en hiver et de rafraîchir l’espace en été, apportant ainsi plus de confort. En contrepartie, la serre jouera moins son rôle de tampon en été puisqu’elle se rapprochera de la température extérieure.
Eclairage
Eclairage naturel
Grâce à la bonne orientation du bâtiment et à l’espace tampon situé tout le long de la façade nord, l’ensemble des logements bénéficient d’ouvertures sur 2 ou 3 orientations différentes assurant ainsi un très bon niveau d’éclairement sans faire de compromis sur les déperditions thermiques. Les surfaces vitrées ont été généreusement dimensionnées pour optimiser le confort visuel et les apports solaires passifs.
Nuisances sonores
Entre les locaux
Les murs mitoyens ont été doublés (2 fois 10 cm d’isolant séparés par un vide) et désolidarisés. Seules les dalles OSB des planchers sont communes pour les logements 1 et 2 ainsi que pour les logements 3 et 4. L’isolement aux bruits aériens est très bon, aucune nuisance n’ayant été relevée. Seul le bruit généré par les escaliers peut parfois être perçu d’un logement à l’autre.
La salle commune qui a été construite dans un second temps est équipée de triple vitrage pour limiter les nuisances sonores en provenance de la route toute proche et prévenir d’éventuelles gênes occasionnées aux voisins.
Liées aux équipements
Les blocs VMC simple flux situés dans les logements génèrent un peu de bruit qui peut être perceptible au sein du logement voire dans le logement mitoyen.
Social / Économie
Focus technique : un programme en autogestion et autopromotion, une des facettes de l’habitat participatif
Différentes approches de l’habitat participatif ont émergé depuis 30 ans. Dans les années 1980, le mouvement de « l’habitat groupé autogéré » devenu « écohabitat groupé » nait d’une volonté de trouver une solution intermédiaire entre l’habitat individuel et le tout collectif avec des espaces privatifs et des espaces en commun qui vont être autogérés. Le mouvement vit une véritable renaissance dans les années 2000 (contexte de crise, difficulté d’accès au logement, lutte contre l’individualisme,…) avec une nouvelle composante, l’écologie. Depuis peu, on observe une nouvelle population, composée notamment de personnes âgées, qui sont attirées par l’habitat participatif pour retarder le départ vers la maison de retraite voire d’autogérer son vieillissement et sa fin de vie à domicile. Ce nouveau public n’a pas forcément de fibre écologique mais défend une approche intergénérationnelle, de solidarité de voisinage,… Si chacun partage généralement l’ensemble de ces préoccupations, chaque groupe sera amené en avançant dans sa réflexion à arbitrer et hiérarchiser ses objectifs pour donner à son projet une « couleur » qui lui sera propre.
On note cependant que les modèles des années 80 sont devenus difficilement reproductibles, les nombreuses normes et réglementations sont venues ajouter de fortes contraintes. Le logement est devenu plus performant et plus complexe. On peut de moins en moins faire seul, sans compétences financières, techniques ou économiques. On doit donc souvent travailler en partenariat, en s’associant à des professionnels qui vont permettre de faire émerger le projet, ce sont par exemple les promoteurs coopératifs.
Leur rôle est notamment de s’assurer que le calendrier et les coûts sont maîtrisés. Ils interviennent en soutien à un collectif déjà constitué qui ne souhaite pas devenir autopromoteur ou peuvent aider à constituer ou agrandir un groupe qui partage une vision commune.
Comme le défend l’association Parasol, l’habitat participatif n’est pas réservé à un public d’accédants capable de financer son logement. D’autres formes existent pour permettre à des publics moins solvables de rentrer dans de tels projets :
- capter les aides institutionnelles en impliquant un bailleur social pour créer des logements sociaux participatifs,
- s’appuyer sur la finance citoyenne grâce à des investisseurs solidaires,
- mettre en place une démarche autonome d’autopromotion et/ou d’autoconstruction qui permet d’économiser une part substantielle de l’investissement de base.
Pour la Cie.Rit, les tâches d’autopromotion ont mobilisé les personnes à tour de rôle sur une durée cumulée estimée à une année de travail à temps plein :
- recherche du lieu et démarches (notaires et mairie)
- définition des objectifs, de l’organisation et des modalités de fonctionnement du groupe
- définition du programme architectural
- recherche de l’architecte
- montage des statuts juridiques
- budget prévisionnel
- suivi juridique (recours)
- analyse des offres des entreprises et négociations avec les fournisseurs
- comptabilité et appel de fonds
- montage des dossiers de viabilisation et relation avec les prestataires
- suivi administratif (taxes)
Afin de mener à bien cette démarche en autopromotion, il a fallu formaliser le regroupement des ménages en créant une Société Civile Coopérative de Construction. Cette SCCC a permis de lier moralement les membres du groupe et de disposer d’une entité juridique unique pour discuter avec les différents interlocuteurs du projet. Ce statut a notamment permis à 3 familles d’acheter le foncier et d’en intégrer une quatrième par la suite. Chaque signataire est solidaire et les autres membres de la SCCC ont un droit de regard si l’un des membres souhaite vendre ses parts.
Aujourd’hui c’est la SCCC qui gère les charges en refacturant les consommations d’eau à chaque foyer ce qui permet de ne souscrire qu’un abonnement. Si cette structure venait à être dissoute par ses membres, elle serait remplacée par une copropriété standard avec une association syndicale libre comme gestionnaire.
Suite à ce projet, une monographie intitulée « Code-source » des méthodes et moyens mobilisés pour la réalisation d’un programme immobilier « autogéré » en autopromotion et autoconstruction a été réalisée sur la base d’entretiens avec les fondateurs-résidents de la Cie.Rit et Samuel Lanoë, de l’Epok (appui aux démarches d’habitat participatif – www.lepok.org). Ces entretiens ont été conduits dans le cadre d’une recherche-action « Rendre l’habitat participatif accessible au plus grand nombre » co-financée par la Fondation de France et le Conseil Général d’Ille et Vilaine, et impliquant l’Epok aux côtés de différentes parties prenantes de l’habitat participatif. Cette recherche-action vise l’identification des différents moyens devant permettre de rendre les démarches participatives accessibles (économiquement) au plus grand nombre.
Les habitants de la Cie Rit ont également créé un blog permettant de partager leur expérience : http://cie.rit.free.fr/blog/
Coût de construction
En phase esquisse, sur la base des propositions faites par l’architecte, le groupe précise un certain nombre d’éléments qui permettent d’aboutir à un scénario. Il va au delà de la capacité de financement du groupe, il s’agit alors de trouver 350 000 € d’économies :
- certains foyers négocient une augmentation du montant à emprunter auprès de leur banquier, il reste 300 000 € à économiser,
- au stade APD, l’architecte affine le projet et revoit à la baisse certaines options, ce sont 50 000 € d’économisés,
- afin d’économiser la majeure partie de la main d’oeuvre, estimée à 250 000 €, l’équipe choisit de mettre en place une démarche d’autoconstruction. Chaque foyer décide de consacrer l’équivalent d’une année de travail d’une personne à temps plein sur le chantier.
« Sur le prévisionnel, tout le monde nous avait dit de prévoir 15 % de marge d’erreur. Mais ces 15 % d’erreur n’existent que parce que les prévisionnels sont incomplets et imprécis. L’écart sera au final de 2 à 3 % à la baisse, sachant qu’on a ajusté notre prévisionnel au fur et à mesure. Nous n’avons pas eu de surprises car nous avons beaucoup travaillé en amont et suivi le budget tout au long du chantier. »
Financement
Une des difficultés a été de convaincre les banques qui ne sont pas habituées à financer des projets pour lesquels une partie du gros oeuvre est réalisée en auto-construction soulevant le problème de « l’assurabilité » de l’ouvrage.
Les banques ont été particulièrement frileuses à accorder un crédit immobilier à cause de la particularité de la SCCC. C’est cette structure qui est propriétaire du terrain et des logements, les familles étant uniquement propriétaires des 4 parts de la société pour un montant de 20 €. La SCCC permet en effet que les emprunteurs soient les particuliers et non la société, à la différence d’une SCI classique. Chaque foyer a été contraint de faire une hypothèque sur son logement. Le groupe note ici une méfiance des organismes bancaires qui est due à « la méconnaissance du statut et la frilosité face à tout ce qui est inhabituel et semble présenter un quelconque risque. »
Lien social
La notion de « vivre ensemble » est une composante centrale du projet. Elle est abordée dès la rédaction du programme qui se construit en alternant réflexions collectives et travaux de rédaction individuels. Cette démarche permet d’amener le groupe à converger vers une vision commune du projet, notamment sur les usages et les besoins.
A l’usage, il apparaît que les habitants investissent au delà de ce qu’ils imaginaient des espaces communs comme la galerie.
Chantier
Le chantier a été l’occasion d’accueillir les voisins qui souhaitaient en savoir un peu plus sur ce projet atypique. Les relations ont été globalement bonnes dans la mesure où beaucoup d’entre eux étaient des amis, ou des amis d’amis. Un minimum d’information a été diffusé lors des phases de chantier bruyantes ou le passage de camions de livraison dans la rue.
Gouvernance
Définition des besoins
Une fois l’architecte retenue, le groupe a travaillé à la définition de ses besoins par un travail individuel et des entretiens avec Cécile Gaudoin, son travail consistant à en faire une synthèse cohérente. Cette synthèse demandera beaucoup de travail et aboutira à l’esquisse d’un bâtiment en forme de longère, en R+1 plus combles, avec quatre cellules d’habitation. Quand le projet leur a été présenté, tous les membres du groupe ont adhéré et s’y sont retrouvé, cela a été un élément moteur et essentiel pour la poursuite du projet, personne ne se sentant contraint de faire des compromis sur ses envies initiales.
Certaines parties du bâtiment sont dédiées à des zones communes, c’est le cas de la buanderie, de la serre située au nord ainsi que d’un atelier et d’une salle polyvalente (qui seront construits ultérieurement). La serre joue un rôle de desserte et d’espace tampon, elle permet de rentrer au sec dans le bâtiment, de ranger du matériel en dehors des espaces privatifs, de mettre du matériel en commun. Dans la pratique, cet espace a été très bien investi par les occupants, par les enfants pour jouer, par les parents pour bricoler, préparer un repas,…
Au sein de chaque logement, le choix des équipements se fera de façon individuelle : PAC, chauffe-eau thermodynamique, poële à bois,… Ce sont les envies et le budget de chaque foyer qui priment.
Les décisions ont toujours été prises sur la base d’un consensus, il a fallu parfois remettre des décisions à plus tard en fixant une date limite mais le groupe n’a jamais eu à trancher en défaveur de l’un ou l’autre.
Mobilisation des acteurs en phase construction
L’architecte a rédigé des CCTP très détaillés qui ont permis au groupe de décider ce qu’ils pouvaient prendre en charge dans une démarche d’auto-construction et ce qu’ils devaient faire réaliser par des professionnels. L’analyse s’est faite sur le temps disponible, les coûts mobilisables et bien sûr les savoir-faire à mettre en oeuvre.
Les 3 lots confiés entièrement à des professionnels sont les suivants :
- réalisation des plots de maçonnerie,
- construction de l’ossature bois et de la charpente principale en atelier qui sera ensuite posée en 7 jours,
- pose des ouvertures.
Au sein de chaque logement, en fonction des besoins des occupants, des professionnels sont intervenus pour des travaux de plomberie ou d’électricité. La prise en charge de lots comme la couverture en auto-construction a posé des difficultés à l’assureur de l’architecte qui ne souhaitait pas couvrir la maitrise d’oeuvre du projet dans ces conditions. Il a fallu revoir le champ de sa mission. Une mission de conseil lui a été confiée mais elle ne pouvait pas se rendre sur le chantier…Les habitants regrettent qu’il n’y ait pas un dispositif qui permette de bénéficier de l’accompagnement de l’architecte en phase chantier dans ce cas de figure, pour une question d’assurance. Pour les mêmes raisons, les « promoteurs-constructeurs-habitants » se sont vu refuser l’assurance dommage-ouvrage.
8 mois se sont écoulés entre le début des travaux et l’emménagement. Cela a constitué un très gros investissement personnel pour les familles qui se réjouissent que ce n’ait pas duré plus longtemps. Le rythme de travail était de 5 jours par semaine. Si un rythme plus soutenu a été envisagé au démarrage, chacun a pris conscience que ce n’était pas viable dans la durée. La difficulté était de se former en permanence avec le soutien de l’un ou l’autre des membres du groupe ou avec des amis qui venaient donner un coup de main. Les travaux se sont poursuivis après l’emménagement (bardage, aménagement intérieur,…).
Les économies réalisées grâce à l’auto-construction sont de l’ordre de 250 000 €.
Intervenants
Lot | Entreprise |
---|---|
Charpente | Art du toit (Quebriac – 35) |
Chauffage – Plomberie | Huet (Noyal-Châtillon-sur-Seiche 35) |
Électricité | Gen.Y.Elec’ (Nouvoitou – 35) |