Restructuration du Tribunal de Pontivy

Contexte

Situé au cœur du quartier dit « impérial » de Pontivy, l’ancien tribunal est un témoin emblématique du projet urbain initié par Napoléon Bonaparte au début du XIXᵉ siècle. Inauguré sous Napoléon III, ce bâtiment néoclassique – reconnaissable à sa façade symétrique en pierre de taille et à son entrée monumentale – a abrité pendant plus de 150 ans l’activité judiciaire du Centre Bretagne.

Fermé dans les années 2000, il est resté en grande partie inoccupé, hormis quelques usages ponctuels par les services municipaux. Sa vacance prolongée, au cœur d’un centre-ville fragilisé, interrogeait sur son devenir.

Lorsque la Région Bretagne s’y intéresse en 2018, l’édifice, bien que structurellement stable, présente des signes de dégradation et un besoin urgent de restauration intérieure et extérieure. Idéalement situé face à la sous-préfecture et à proximité immédiate des principaux équipements publics, le bâtiment conserve un fort potentiel de reconversion et une valeur symbolique majeure pour le territoire.

Objectifs prioritaires

L’objectif principal est d’inscrire le projet dans une logique ambitieuse de sobriété, de durabilité et de cohérence patrimoniale, tout en anticipant les enjeux réglementaires et techniques liés à l’intervention sur un bâtiment protégé.

  • Construire un projet en phase avec les attente du territoire, en s’appuyant sur les qualités propres du lieu historique
  • Incarner une action publique plus proche, plus lisible et plus ouverte
  • Restructurer le bâtiment en un lieu symbolique, fonctionnel et urbain

L’équipe projet

Lorsque la Région Bretagne choisit de réhabiliter l’ancien tribunal de Pontivy pour y installer son antenne locale, elle en confie la maîtrise d’ouvrage déléguée à la SEMBreizh, société publique régionale. Celle-ci pilote le projet dans toutes ses dimensions, depuis les premières études jusqu’à la livraison du bâtiment, en lien étroit avec les services de la Région et la Ville de Pontivy.

En parallèle du recrutement de la maitrise d’oeuvre par la voie d’un concours d’architectes, la SEMBreizh missionne un AMO environnemental (WIGWAM) sur deux volets précis : d’une part, la gestion hygrométrique et l’étanchéité à l’air d’un bâtiment ancien en pierre de taille et moellons ; d’autre part, l’intégration de l’économie circulaire, et en particulier le réemploi des matériaux, dans toutes les phases de projet.

Le projet lauréat, porté par Nomade Architectes -en groupement avec Antak (Architectes du Patrimoine), Le Bruit des Cailloux (Paysagistes), et Bretagne Ingénierie + Guéguen Pérennou + Acoustibel (Bureaux d’Etudes)- s’est distingué par sa compréhension du programme et par un renversement de logique d’usage concernant le rez-de-chaussée.

Le projet

Alors que le programme initial prévoyait l’installation d’une grande salle de réunion dans la salle d’audience, Nomade propose d’intervertir les deux fonctions principales du rez-de-chaussée. La restauration est déplacée vers l’extrémité ouest du bâtiment dans la salle d’audience, afin de bénéficier d’un accès plus autonome et de la possibilité d’installer une terrasse extérieure en surplomb du jardin, en lien avec le pignon. Cette proposition permet d’offrir un espace de convivialité ouvert sur l’espace public.

La salle de réunion est, quant à elle, installée dans l’aile est du bâtiment, ouverte aux partenaires institutionnels comme aux associations. Ce renversement redonne une logique d’usage au bâtiment tout en préservant et en en valorisant ses qualités historiques (notamment la salle d’audience).

© Batylab

Réhabilitation performante

La rénovation de l’ancien tribunal de Pontivy implique une transformation d’un bâtiment patrimonial, conçu sans exigences thermiques, en un équipement public répondant à à des objectifs environnementaux clairs. Pour éviter les désordres liés à l’humidité, garantir la pérennité des matériaux biosourcés envisagés, et permettre une performance énergétique, il a fallu adopter une approche rigoureuse de l’enveloppe de la conception à la phase travaux.

Situé en secteur protégé (AVAP) et relevant d’un suivi architectural sous l’égide de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF), le projet a dû renoncer à toute isolation thermique par l’extérieur (ITE), incompatible avec la conservation des façades d’origine. Le choix de l’isolation thermique par l’intérieur (ITI) s’est donc imposé, malgré sa complexité technique. Cette contrainte a renforcé la nécessité de maîtriser précisément les phénomènes de migration de la vapeur d’eau dans les parois, pour éviter toute dégradation cachée au sein des complexes de murs et cloisons.

C’est cette logique qui a structuré les premières étapes du projet : comprendre les flux d’humidité, anticiper les zones de condensation, et concevoir des parois compatibles avec la réalité physique du bâtiment. L’étanchéité à l’air, essentielle pour la performance thermique, intervient dans un second temps, une fois les équilibres hygrométriques établis et validés.

Biosourcés et réemploi

Le projet de transformation du tribunal de Pontivy en antenne locale de la Région a dès l’origine intégré une démarche utilisant des matériaux biosourcés (si possible locaux) et inscrit le réemploi comme une enjeu central du projet. Cette ambition s’est concrétisée par des choix de conception, des procédés constructifs et des pratiques de chantier : recours aux matériaux biosourcés, valorisation des ressources existantes, limitation des démolitions, et mise en oeuvre d’un diagnostic PEMD (Produits, Équipements, Matériaux, Déchets) à un stade très précoce.

La Région Bretagne, à travers la SemBreizh, a ainsi anticipé certaines exigences de la loi AGEC avant même leur entrée en vigueur, en faisant du projet un un cas pilote d’économie circulaire appliquée au patrimoine bâti.

Facteurs de réussite et difficultés

Facteurs de réussite

  • Choix d’un concours ouvert à variantes, qui a enrichi les réponses et permis de retenir un projet de qualité.
  • Respect de l’existant tout en assurant une mise aux normes complète et une transformation d’usage profonde.
  • Le diagnostique hygrométrique réalisé en phase étude à permis la validation de solutions d’isolation biosourcées par l’intérieur, compatibles avec la respiration des murs anciens et en garantissant le confort des usages.
  • Stratégie de réemploi

Difficultés et enseignements

  • Dépose d’un mur de refend au centre du bâtiment sans possibilité de faire entrer des engins sur le chantier et imposant ainsi une déconstruction manuelle complète
  • Présence d’amiante nécessitant une révision du phasage de chantier et induisant un surcoût
  • Modifications apportées au programme initial, fréquemment observées lors des réhabilitations lourdes
  • Pour de nombreux acteurs, les sujets tels que l’isolation biosourcée, le traitement hygrothermique fin, l’étanchéité à l’air et la valorisation des matériaux déposés, sont encore peu familiers et nécessites une acculturation progressive aux démarches spécifiques du projet.

Ces difficultés n’ont pas remis en cause le projet, mais ont illustré une réalité de terrain : dans une opération de cette ampleur, le chantier devient lui-même un espace de conception. Les arbitrages se poursuivent au fil des semaines, les adaptations se décident en lien étroit entre les entreprises, la maîtrise d’oeuvre et la maîtrise d’ouvrage. La souplesse de gouvernance, la réactivité des acteurs et la capacité à intégrer des aléas techniques en phase d’exécution ont été déterminantes pour préserver l’équilibre général du projet.