Une crèche en bottes de paille

Synthèse

Contexte

La Communauté de Communes du Pays de Saint-Méen Montauban a décidé de construire un établissement d’accueil pour la petite enfance afin de répondre à un manque d’infrastructures de cette nature sur le territoire. Cette décision fait suite à une étude menée en 2010 qui a conduit la Communauté de communes à mettre en place un plan d’investissement en faveur de la Petite Enfance. La commission petite enfance a proposé que le bâtiment comporte 90% de matériaux naturels, si possible locaux, pour réduire l’impact environnemental et préserver la qualité de l’air intérieur.

Facteurs de réussite

Grâce à la conviction des élus, et notamment du maire de Muel qui avait déjà porté des projets intégrant des matériaux naturels, le bâtiment a pu être construit avec des bottes de paille, du bois et de la terre argileuse. Le cahier des charges de l’architecte préconisait ainsi la mise en oeuvre de 90% de matériaux naturels.

Afin d’accueillir 12 enfants dans les meilleures conditions, une démarche de concertation a permis de recueillir les attentes de toutes les parties prenantes. Les habitants ont également pu prendre part à un chantier participatif.

Difficultés rencontrées / Solutions apportées / Enseignements

Dans les marchés publics, les contraintes administratives et réglementaires pèsent sur les projets en éco-construction. Par exemple, le cahier des charges de ce chantier conditionnait 40% de la notation à la « dimension environnementale ». Il a fallu le justifier, compte tenu d’écarts de prix atteignant 30% sur certains lots.

De même, recycler l’eau de pluie pour les WC ou le lavage des couches lavables devra nécessiter l’accord de l’Agence Régionale de Santé. Afin d’assurer le chantier, il a fallu expliquer le projet à la société d’assurance ainsi qu’au bureau de contrôle.  Il a aussi fallu garantir à la DIRECCTE que les citoyens qui prendraient part à des travaux participatifs interviendraient en qualité de bénévoles et agiraient dans de parfaites conditions de sécurité (ex : pas de travaux en hauteur).

Pour les travaux en paille, très peu de professionnels étaient assez structurés pour répondre à un appel d’offres public. En dehors d’« auto-entrepreneurs » ou de « travailleurs occasionnels du bâtiment », le personnel formé reste limité. Les salariés de l’entreprise retenue pour le lot « paille », ont dû se professionnaliser pendant une année, au Québec (technique GREB) pour justifier de savoir-faire suffisants. Ils ont aussi suivi des stages courts proposés par le Réseau Français de Construction en Paille (RFCP).

Par rapport à un chantier ordinaire, de nombreux échanges en amont ont été nécessaires entre l’entreprise de « paille » et celle de charpente, avec plusieurs plans de détail pour adapter l’ossature aux bottes.

Sur le plan technique, le plus grand point de vigilance n’a pas été la paille mais plutôt le risque de condensation en toiture. L’entreprise de charpente aurait privilégié des panneaux de bois, sans contact avec une paroi froide. Cependant, le bureau de contrôle a constaté que la ventilation était suffisante et que le pare-vapeur possédait un fort coefficient Sd.

Témoignage

« La communauté de communes a souhaité faire un équipement exemplaire en terme de qualité environnementale et de bien-être pour les enfants. Nous souhaitions que le projet serve aussi à sensibiliser les habitants du territoire. » Marcel Minier, Vice-Président de la communauté de communes, maire de Muel.

Description

Mode constructif

Le système retenu est une structure mixte ossature bois et poteaux-poutre reposant sur un surbot maçonné. Elle n’est pas contreventée par des panneaux mais avec des croix de Saint-André en bois massif (douglas) pour permettre la pose d’enduit des deux côtés de la paroi.

Pour les zones à vivre, l’ossature est isolée avec des bottes de paille, les pièces techniques et la toiture sont isolées en ouate de cellulose.

Mur en paille avant enduit de finition avec contreventement par des croix de Saint-André – © Servane Guihaire – Constructys Bretagne

Enveloppe

CompositionEpaisseur (cm)U (W/m2.K)
Plancher sur terre pleindalle béton / polyuréthane projeté / chape béton12 / 12 / 60,206
Mur extérieur pailleenduit chaux sable + enduit terre / paille + ossature bois / paille / enduit terre5 / 22 / 23 / 40,173
Murs extérieur ossature boissteico universal / OSB / ouate de cellulose + ossature bois / lame air ventilée / plaque plâtre1,8 / 0,9 / 22 / 4,4 / 1,30,172
Toitureouate de cellulose + ossature bois / OSB30 / 1,80,145
MenuiseriesFenêtres mixtes bois/aluminiumPortes fenêtres mixtes bois/aluminiumFenêtres de toitPortes d’entrées vitréesPortes pleines extérieuresUw = 1,5 Sw = 0,47Uw = 1,3 Sw = 0,52Uw = 1,4Ud = 1,9Ud = 1,8

Afin d’assurer la pérennité de l’isolant placé en toiture plate, un calcul de point de rosée a été effectué pour 3 types d’isolation :

Type de toitureRésistance thermique(m2.°K/W)Risque de condensation dans la paroiCondensat. maximum cumulée(kg/m2)Densité(kg/m3)
plaque de gypse / pare-vapeur (SD = 20 m) / ouate de cellulose entre montants d’ossature bois / OSB / membrane OPDM 7,52élevé0,023192
plaque de gypse / pare-vapeur (SD = 20 m) / ouate de cellulose entre montants d’ossature bois / OSB / pare-vapeur (SD = 150 m) / PSE / membrane OPDM7,58inexistant0142
plaque de gypse / pare-vapeur (SD = 150 m) / ouate de cellulose entre montants d’ossature bois / OSB / membrane OPDM7,52inexistant0192

La première solution génère une condensation dans l’isolant qui s’inverse en période estivale pour s’échapper vers l’intérieur. C’est la troisième solution qui a été retenue.

Systèmes

Nature
chauffageChaudière à granulés de bois alimentant un plancher chauffant basse températureP = 15 kW avec un rendement de 95,7 %
VMCDouble flux avec échangeur à haut rendement, débits de 1500 m3/h en occupation et coupure en inoccupationSimple flux  pour les locaux à pollutions spécifiques (sanitaires, buanderie, salle de change, plonge, biberonnerie), débits de 200 m3/h en continu
ECSCapteurs solaires thermiquesS = 6 m2

Focus technique : la paille de construction

Une partie de l’isolation du bâtiment est en bottes de paille. La paille utilisée (triticale) a été cultivée sans herbicides ni pesticides, dans une commune voisine. Elle a été bottelée puis stockée pour séchage pendant 1 an dans un hangar bien ventilé avec un débord de toiture pour éviter qu’elle ne prenne la pluie. 450 bottes de 30 x 40 x 90 cm ont été utilisées. Leur densité, leur taille, leur poids et leur taux d’humidité (20% maximum) ont été vérifiés.

Le calepinage de l’ossature a dû prendre en compte la dimension moyenne du « paillé ». Ainsi l’écart entre les montants de l’ossature est inférieur à la largeur des bottes de façon à compresser celles-ci à l’horizontal. Une compression verticale a été exercée en plus, grâce à un système de cales et de vérins hydrauliques. L’isolant est donc stabilisé dans l’ossature. Les normes ont été respectées, en référence aux règles professionnelles de construction en paille. Par exemple, la 1ère rangée de bottes a été posée à plus de 30 cm au-dessus du sol naturel.

Ossature et paille – © Echopaille

L’enveloppe a été refermée rapidement pour éviter l’intrusion d‘éventuels rongeurs. Avec une compression suffisante et des grilles anti-rongeur correctement fixées, le risque est maîtrisé, d’autant que la paille est presque entièrement dépossédée de ses graines. Le risque d’incendie est quasi inexistant car les bottes de paille contiennent très peu d’oxygène. En revanche, pendant le chantier, la propreté est de mise afin d’éviter l’éparpillement de brindilles. Quoiqu’il arrive, aucun matériel à flammes ne peut être utilisé pendant la mise en œuvre.

La paille est un matériau assez éprouvant à mettre en œuvre, exigeant beaucoup de manutentions et elle doit être appliquée de préférence l’été. La filière d’approvisionnement gagnerait encore à se structurer tout en prenant en compte les besoins en paille du monde agricole, importants en Bretagne. L’entreprise Echopaille, sélectionnée pour ce chantier, s’approvisionne principalement auprès de paysans- boulangers, qui ne font aucun usage de la paille après la moisson.

Territoire et site

Urbanisme

La Communauté de communes de Saint-Méen-le-Grand a fait le choix d’implanter le centre multi-accueil à Muel pour son caractère central au sud du canton et pour répondre au besoin des familles des communes environnantes. Le Plan Local d’Urbanisme de Muël avait prévu une parcelle dédiée à cet équipement.

Bioclimatisme

Le site, sur lequel la crèche de 400 m2 a été édifiée, est une parcelle de 2386 m2 située au centre de ce bourg de 880 habitants. Il ne comporte pas de masque solaire et a permis l’orientation du bâtiment au sud.

Énergie / Climat

Besoins énergétiques

Résultat de l’étude thermique RT 2005

ProjetMaxGain en %
Ubât0,3760,73248,6
Cep RT 200541,88118,9164,7
Cep BBC EFFINERGIE41,885523,8
TIC24,012917,2%

Résultat de l’étude thermique RT 2012

ProjetMaxGain en %
BBio63,79936 %
Cep75,793,519 %
Etanchéité à l’air (Q4) – valeur mesurée par un test0,460,623 %

Les consommations énergétiques prévisionnelles en chauffage et électricité sont de 26 000 kWh/an.

Consommations annuelles par poste (kWhep/m2.an) – © Fluditec

Le coût du chauffage seul est estimé à 760€/an.

Des sondes de détection de présence permettent d’optimiser l’utilisation de l’éclairage et limiter les consommations dans les pièces où l’occupation n’est que passagère (circulation, accueil, sanitaires). Les grandes surfaces vitrées de la salle de vie et de l’espace de jeux permettent de profiter d’un éclairage naturel important et de limiter les besoins d’éclairage artificiel.

Energies renouvelables

Des panneaux solaires thermiques assurent une partie de la production d’eau chaude. Dans la pratique, il s’avère que le réseau d’eau chaude solaire reliant les panneaux au ballon assure aussi une partie du chauffage du bâtiment. Une étude est en cours pour corriger ce défaut.

Mesure et évaluation

L’entreprise Echopaille utilise ce bâtiment comme référence et a installé des capteurs dans la paille pour étudier les évolutions de température et d’humidité. Ces données sont accessibles sur internet  par les membres du réseau Compaillons. Ce suivi est particulièrement attendu pour la buanderie car on dispose de peu de recul sur la régulation de l’humidité dans ce type de locaux en construction paille.

Eau

Gestion des eaux de pluie

Une citerne de récupération d’eau de pluie de 5 m3 est prévue pour l’arrosage du jardin et le lavage du local à poubelles. Elle a été dimensionnée pour permettre l’alimentation des sanitaires si la règlementation le permet dans un avenir proche.

Déchets

Cycle de vie du bâtiment

L’empreinte écologique du bâtiment a été une vraie préoccupation pour la maîtrise d’ouvrage qui a souhaité privilégier des ressources locales ou recyclées :

  • L’ossature bois provient de la scierie de Merdrignac, à 25 km du site, qui s’approvisionne en bois breton ou de l’ouest de la France ;
  • Le bardage en bois (Epicéa de pays) est également produit en Bretagne à Saint-Nicolas-du-Tertre (56) ;
  • La paille utilisée en isolation est issue d’une exploitation située à Saint-Onen-la-Chapelle (35) qui pratique une agriculture raisonnée, il s’agit de paille de blé triticale. Pendant le séchage, elle a été stockée à Mauron (35), une commune voisine située à 7 km du chantier ;
  • La terre destinée aux enduits a été directement prélevée sur le site puis stockée par l’entreprise pour être tamisée et pigmentée avant d’y ajouter de la chaux ;
  • La ouate de cellulose est produite par l’entreprise Cellaouate, située à Morlaix (29), à partir de journaux recyclés ;
  • La membrane d’étanchéité en toiture est produite à base de pneus recyclés.

Déchets de chantier et recyclage

Une attention particulière a été portée à la propreté du chantier, notamment lors de la mise en oeuvre de la paille pour limiter le risque d’incendie. Une fois la botte mise en oeuvre et tassée, sa résistance au feu est très bonne, mais les déchets qui trainent au sol restent très inflammables.

Déchets d’activité

Les retours d’expériences partagés avec d’autres structures du département ont convaincu le maitre d’ouvrage de s’orienter vers l’utilisation de couches lavables.

Confort / Santé

Qualité de l’air intérieur

Le choix de matériaux naturels pour la structure contribue à assurer une bonne qualité de l’air intérieur. La maitrise d’ouvrage a exigé le respect des régles professionnelles de la construction paille publiées en 2012 pour éviter de gérer des spécificités inhérentes à la mise en oeuvre de « techniques non courantes ».

Au delà de l’enveloppe du bâtiment, les revêtements de sol sont en latex dans les salles d’activité et marmoleum dans les chambres. Le mobilier en bois massif participe à la faible émission de polluants dans l’air intérieur.

Bien être des occupants

Confort thermique

Une simulation thermique dynamique a permis de calculer quelques indices. Le taux d’inconfort est relativement faible : le nombre d’heures pendant lesquelles la température est inférieure à 17°C ou supérieure à 27°C en période d’occupation est le plus important pour la salle de vie avec 79h sur l’année, essentiellement en période estivale.

La simulation de la température dans la salle de vie montre qu’elle est moins élevée et de moindre amplitude que la température extérieure. Ce comportement est caractéristique des bâtiment dotés d’une bonne inertie.

Température de la salle de vie (rouge) et température extérieure (vert)entre le 19 juin et le 23 septembre – © Fluditec

Ergonomie et accessibilité

Le bâtiment a volontairement été conçu de plain pied pour en faciliter l’accès aux parents et jeunes enfants et contribuer ainsi à leur bien être à l’intérieur dans les locaux.

Social / Économie

Coût de construction

LotsCoût en € HT
Gros-Oeuvre50 153
Charpente – Couverture – Isolation150 413
Paille – Enduits terre et chaux35 755
Menuiseries76 983
Serrurerie34 577
Cloison – Doublage49 179
Revêtement de sols souple41 881
Peinture12 929
Plomberie – Sanitaires86 433
Electricité29 780
Terrassement VRD58 378
Terrain viabilisé7 735
Total634 198

Coût de conception

MissionsCoût en € HT
Etudes et contrôles14 863
Maîtrise d’oeuvre38 350
Total53 213

Financement

Le projet a été financé à hauteur de 520 000 €  par la CAF, le Conseil Général d’Ille-et-Vilaine, le Conseil Régional, l’Union Européenne, l’Etat et le Pays de Brocéliande.

Chantier

Afin de sensibiliser la population au développement durable, la collectivité a invité les habitants à participer à la pose de bottes de paille (7 jours) et à l’enduisage des parois en terre (5 jours). L’objectif était notamment d’impliquer les parents des enfants qui seront accueillis dans les locaux. En concertation avec l’assureur et les services de la Direction du travail (DIRECCTE) une convention, précisant le périmètre de l’intervention, la nature des outils utilisés et mentionnant qu’il s’agissait d’un chantier bénévole, a été signée avec les participants.

Gouvernance

Définition des besoins

Afin de recruter la maîtrise d’oeuvre, un cahier des charges a été rédigé en s’appuyant sur les expériences d’autres intercommunalités. Le réseau BRUDED a accompagné cette démarche grâce à son expérience sur des projets similaires (démarche développement durable de la Communauté de communes du Val d’Ille, construction d’ERP en paille des communes de Mouais et Silfiac,…). Des visites ont été organisées toujours en lien avec BRUDED et ont permis de préciser les besoins en surface.

Les chargés de mission enfance de la Communauté de communes ont rédigé un cahier des charges préconisant l’utilisation de 90% de matériaux naturels auprès de la maîtrise d’oeuvre.

Dans son règlement de consultation, le maître d’ouvrage a défini des coefficients de pondération de la note technique qui lui conférait presque autant de valeur quel le seul critère du prix.

Mobilisation des acteurs en phase construction

Le choix de l’architecte s’est porté vers une équipe resserrée avec une première expérience dans la construction d’un ERP en paille. Le bureau de contrôle a lui aussi été retenu sur la base d’un cahier des charges spécifique afin de l’associer aux principales phases de conception. Au sein de la collectivité, le chargé de mission enfance et le responsable des services techniques ont travaillé en étroite relation en assurant une coordination efficace entre les usagers et les techniciens.

La maîtrise d’ouvrage souhaitait que le projet serve aussi à sensibiliser les habitants du territoire à l’éco-construction. Deux chantiers participatifs ont ainsi été organisés, le premier pour la pose de la paille et le second pour l’application des enduits. La communauté de communes s’est rapprochée de la DIRRECTE pour s’assurer que toutes les dispositions étaient prises en termes d’assurance et pour éviter que cette démarche puisse être assimilée à du « travail au noir ».

Intervenants

Intervenants

LotsEntreprises
Gros-OeuvreSBK (Tremorel – 22)
Charpente – CouvertureBRIERO (Mauron – 56)
Enduits terre et chauxTOTEM / TERRE ET COULEUR (Saint-Gonlay – 35)
PailleECHO PAILLE (Larré – 56)
MenuiseriesCARISSAN (Saint-Méen-Le-Grand – 35)
SerrurerieDSJ (Trémeur – 22)
Cloison – DoublageBROCELIANDE SARL (Saint-Abraham – 56)
Revêtements de solHERVE DECO (Laillé – 56)
PeintureBARBEDOR (Saint-Gilles – 35)
Plomberie – SanitairesGR ENERGIE (Merdrignac – 22)
ElectricitéIRCE (Médréac – 35)
Terrassement VRDCOLAS (Loudéac -22)