Une maison passive en chanvre en Centre-Bretagne

Synthèse

Contexte

Jacques et Martine ont réalisé la plus grande partie de leur vie professionnelle dans leur entreprise familiale de bâtiment.

Quand ils ont projeté de construire une maison pour leur retraite, il leur a semblé naturel de viser haut, en termes de performance énergétique, de qualité environnementale et de confort intérieur. C’est pourquoi ils ont imaginé une maison passive, bâtie avec de la chaux et du chanvre. 

Objectifs prioritaires

  • Construire une maison ultra-économe en énergie, confortable, saine et respectueuse de l’environnement
  • Faire travailler ensemble toutes les parties prenantes dans un processus de conception intégrée
  • Former les ouvriers à l’écoconstruction
  • Travailler en partenariat avec une association d’insertion par l’activité

Démarches / Labels / Certifications

La maison est conçue pour être passive (besoins en énergie de chauffage et en eau chaude sanitaire de 13 kWh/m².an ; étanchéité à l’air : n50 < 0,6 h-1 ; consommation «  totale » d’énergie de la maison < 120 kWhep/m².an.

A l’automne 2015, le dossier de labellisation Passivhaus était en cours de réalisation.

Difficultés rencontrées / Solutions apportées / Enseignements

Pour l’architecte, le défi principal a consisté à dessiner un bâtiment dynamique et esthétique, autorisant la performance thermique sans se limiter à une forme en cube.

Par ailleurs, l’espace disponible a imposé de maîtriser l’épaisseur des murs, et donc exclu le matériau « botte de paille », au profit du complexe béton de chanvre / laine de bois.

Description

Mode constructif

Le sous-sol en béton a été coulé au sein d’une enveloppe isolante en mousse de polystyrène extrudée rigide, spécialement conçue pour les radiers (jackodur – Allemagne). L’ensemble repose sur un drain équipé d’une pompe de relevage.

En surface du sol, une ossature bois (300 mm) a été élevée pour servir de structure, doublée d’une seconde ossature de poutres en « I » (Steico wall). Ce mode constructif est détaillé dans le zoom technique de la fiche « Bioclimatisme et poutres en « I » à Bréhan ».

Un béton isolant de chaux et de chanvre, posé manuellement par banchage, a été intégré dans l’ossature, à la fois dans les parois verticales et la toiture. La mise en œuvre a respecté les règles professionnelles françaises d’exécution d’ouvrage en béton de chanvre. L’isolation des murs principaux  a été renforcé par de la fibre de bois sous forme de laine semi rigide côté extérieur.

Les cloisons intérieures sont isolées en laine de bois parée de plaques de gypse (fermacell).

A l’intérieur, la plupart des finitions des murs verticaux sont des enduits à la chaux ou des lames de lambris en douglas. Côté extérieur, un bardage en épicéa pigmenté (20mm – naturellement classe 3) ou un enduit mince Parex Lanco (12mm) recouvrent l’enveloppe, en fonction des façades.

Les menuiseries sont en triple vitrage, de types différents selon l’exposition.

Structure bois et chaux chanvre banché – © Jacques Carimalo

Enveloppe

CompositionEpaisseur (cm)U (W/m2.K)
Toiturezinc / pare-pluie / lame d’air / laine de chanvre / béton chaux-chanvre / pare-vapeur / pare-poussière / lambris douglas30 cm laine de chanvre / 15cm béton chaux-chanvre0,120
Parois extérieures 1bardage bois / fibre de bois / laine de bois et poutre Steicowall / béton de chaux chanvre et ossature bois / chaux sable / enduit argile 2 / 6 / 16 / 30 / 1,2 / 0,20,149
Parois extérieures 2enduit mince ParexLanko® / fibre de bois / laine de bois et poutre Steicowall / béton de chaux chanvre et ossature bois / chaux sable / enduit argile1,2 / 6 / 16 / 30 / 1,2 / 0,20,149
Plancher basmousse de polystyrène extrudée rigide / dalle béton / chape25 / 15 / 50,153
Menuiseriestriple vitrage, châssis bois 0,6

L’objectif d’étanchéité à l’air inférieure à 0,6 vol/heure sous 50 Pa (test d’infiltrométrie n50), requis pour l’obtention du label Passivhaus, a été un des enjeux majeurs du projet. C’est l’enduit en chaux-chanvre qui assure cette étanchéité. Or il a été difficile d’anticiper l’évolution de ce matériau dans le temps, et sa réaction aux changements de température et d’humidité. Un phénomène de retrait de l’enduit a créé de petites fissures qui nuisaient à l’étanchéité de l’enveloppe et ont depuis été colmatées. En l’absence de produit spécifique, les raccords entre les boîtiers de prises électriques et les gaines ont été délicats à étanchéifier. Durant les premiers tests d’infiltrométrie, les adhésifs d’étanchéité des raccords ont été décollés par la dépression du bâti. Les menuiseries ont aussi présenté des défauts d’étanchéité, et l’artisan qui les a posées a dû revenir plusieurs fois pour en modifier les réglages. Neufs mois après l’emménagement des occupants, la valeur cible a enfin été atteinte, avec un débit de fuite de 0,57 vol/heure sous 50 Pa.

Systèmes

Nature
VentilationVMC Double flux Paul Ventilation®, dont le rendement est de 93% à 200m3/heure
Chauffage – ECSPompe à chaleur eau/eau Viessman® alimentée par des panneaux solaires thermiques. L’émission du chauffage est asurée par un plancher chauffant basse température.
DomotiqueLe bâtiment est équipé du système My Home de Legrand® qui gère notamment la vidéophonie, l’anti-intrusion, l’éclairage, la régulations thermique par pièce et la consommation électrique

Focus technique : le béton de chaux et de chanvre banché

Le chanvre utilisé sur le chantier provient de Belgique (Prohemp) car il a été plus facile de certifier les données exigées par le bureau d’études thermiques auprès de la filière belge.

Il s’agit d’une paille de chanvre non défibrée (55% de chènevotte et 28% de fibres) avec une longueur de chènevotte particulièrement élevée de 35 mm.

La chaux utilisée est un mélange pré-formaté composé de chaux aérienne (70%), de pouzzolane (15%), de ciment (10%) et de pierre de calcaire (5%), vendu sous l’appellation « Tradical PF 70 ». Elle est référencée dans les règles professionnelles de construction en chanvre.

Le béton de chaux et de chanvre est plus ou moins dosé selon les types d’ouvrages et les performances isolantes recherchées. Exemples : 220 kg de liant par m3 en murs contre 110 kg en toiture et 600 kg en enduit.

Réglementairement, le béton de chaux-chanvre n’est pas un isolant (conductivité thermique de 0.06 en toiture et 0.072 en mur).  Ses propriétés « isolantes »  résultent de performances très élevées en matière d’effusivité thermique, de diffusivité thermique et de gestion de l’hygrométrie.

Il a donc été complété avec de la laine de bois, à l’extérieur, car le logiciel  de référence, dans la construction passive, aurait imposé une épaisseur démesurée de chanvre, le cas échéant.

Le béton de chaux-chanvre est un très bon isolant acoustique et lutte efficacement contre les pics de chaleur estivaux grâce à un phénomène de changement de phase.

Il bénéficie aussi d’une énergie grise «négative » car le chanvre est la plante qui concentre le plus de CO2 pour sa croissance (135 kg de CO2 séquestré par m3 de béton de chanvre) et le mélange chaux-chanvre nécessite  très peu d’énergie grise pour sa préparation.

La méthode du banchage a été choisie pour sa simplicité et sa proximité avec les méthodes traditionnelles de maçonnerie. La mise en œuvre a d’ailleurs été assurée, en partie, par des personnes éloignées de l’emploi, dans le cadre d’un chantier de formation  expérimental.  Les sessions de formation sur chantier ont été animées par un expert en chanvre Belge.

C’est l’enduit à la chaux qui sert de membrane d’étanchéité car le béton de chaux-chanvre est perméable à l’eau et à l’air.

La contrainte la plus importante dans l’utilisation d’un béton de chanvre est la gestion de l’humidité. Compte-tenu de sa capacité à emmagasiner l’eau et des temps de séchage requis, il faut absolument effectuer la pose par temps sec, avec une température estivale.

Banchage du chaux chanvre © Nicolas Le Duin – Constructys Bretagne

Territoire et site

Urbanisme

La maison s’inscrit dans un terrain très étroit de 625 m². Du fait de sa largeur de 12 mètres, de son positionnement en centre-ville (commune de 10 000 habitants) et d’un mur mitoyen, certaines phases de chantier ont été réalisées sur la propriété du voisin. Le bâtiment n’a pas pu avoir d’ouverture à l’Est à cause des limites de propriétés.

Par ailleurs, l’espace disponible a imposé de maîtriser l’épaisseur des murs, et donc exclu le matériau « botte de paille », au profit du complexe béton de chanvre/laine de bois.

Plan de masse © Menguy Architectes

Bioclimatisme

Le bâtiment est orienté Sud/Sud-ouest. Dans son environnemenet proche, de nombreux éléments occultent les apports solaires. Une maison individuelle à l’Est, un bâtiment imposant au Sud et des arbres à l’Ouest. L’ensemble de ces masques ont été pris en compte dans le calcul des apports solaires.

Des baies et des puits de lumière sont positionnés au Sud du bâtiment.

Plan masse © Carimalo

Énergie / Climat

Besoins énergétiques

L’ensemble du bâtiment, sous-sol inclus, est conçu pour être passif (besoins en énergie de chauffage et en eau chaude sanitaire de 13 kWh/m².an ; étanchéité à l’air : n50 < 0,6 h-1 ; consommation «  totale » d’énergie de la maison < 120 kWhep/m².an).

La conception du projet s’est appuyée sur une étude thermique.

Une simulation dynamique de la migration d’humidité dans les parois a été effectuée avec le logiciel WUFI.

Enfin, une étude du système constructif par le calcul du point de rosée, le calcul Sd des parois et une étude acoustique sont venus compléter les travaux préparatoires qui ont servis à l’exécution des tâches.

Le calcul PHPP des besoins en énergie primaire est en cours de finalisation.

Energies renouvelables

Des panneaux solaires thermiques ont été installés. Ils permettent d’alimenter la pompe à chaleur qui satisfait aux besoins de chauffage et d’eau chaude sanitaire.

Mesure et évaluation

La température et les consommations de la maison sont enregistrées par le système de domotique. Depuis l’emménagement des occupants, les consommations mesurées semblent inférieures aux consommations simulées, bien que celles-ci n’aient pas encore été finalisées. Le cumul des consommations entre le 1er Janvier et le 30 Septembre 2015 est détaillé dans le graphique suivant :

Eau

Gestion des eaux de pluie

Deux cuves de 5m3 d’eau pluviale, équipées d’un gestionnaire d’eau, servent à l’arrosage extérieur et  l’alimentation des wc.

La forte présence d’eau dans le sol a nécessité une grande rigueur dans l’étanchéification de la cave

Déchets

Cycle de vie du bâtiment

Le maître d’ouvrage a privilégié l’utilisation de matériaux naturels non traités et d’origine locale. Les matériaux bio-sourcés, tels que l’ossature bois, le béton de chanvre et la laine de bois ont une énergie grise faible et une fin de vie maîtrisée.

Des matériaux biosourcés (ossature bois, béton de chanvre, laine de bois) © Jacques Carimalo

Déchets de chantier et recyclage

La maison a été construite à la place d’un ancien bâtiment dont la destruction a occasionné d’importants déchets.

Il n’a pas été possible d’extraire ou de stocker des matériaux du terrain du fait de l’étroitesse de celui-ci.

Confort / Santé

Qualité de l’air intérieur

Le maître d’ouvrage n’a souhaité utiliser que des matériaux biosourcés non traités. Il a porté une attention particulière à l’étiquetage des matériaux de construction et de décoration. 

Un système de prévention radon a été installé en amont du projet. Il s’agit d’un hérisson (lit de gravier de granulométrie 0/20mm) ventilé naturellement par un réseau de drain d’épandage. De plus, des puits ont été creusés et équipés de tuyaux. En cas de concentrations élevées, des extracteurs d’air électriques peuvent être installés pour puiser et évacuer l’air chargé de radon contenu dans le sol sous le bâtiment. Une première série de mesures a révélé une concentration de 52 Bq/m3 à l’étage et d’environ 500 Bq/m3 dans la cave. Des défauts d’étanchéité ont été traités dans la cave, et une nouvelle mesure est en cours dans la cave.

Confort thermique d’été

La maison est sujette à d’occasionnelles surchauffes d’été. Les baies vitrées ne sont pas équipées de systèmes d’occultation (débord de toit, brise-soleil, volets etc.), à part un rideau intérieur dont l’efficacité est insuffisante. Des coffres ont néanmoins été installés en prévention d’une future pose de volets.

Equilibre hygrothermique

La perméabilité du béton de chanvre lui confère un rôle de régulateur hygrothermique, ce qui génère une sensation de bien-être chez les occupants.

Eclairage

L’éclairage est réalisé par des LED et géré par le système de domotique. Les occupants peuvent choisir parmi huit ambiances lumineuses différentes dans chacune des pièces de la maison.

Eclairage naturel

Les grandes surfaces vitrées assurent d’importants apports de lumière naturelle dans les pièces orientées au sud.

Ergonomie et accessibilité

L’aménagement de la maison a été conçu pour permettre l’accessibilité des personnes à mobilité réduite.

Nuisances sonores

Malgré sa localisation en centre-ville, les menuiseries en triple-vitrage protègent la maison des nuisances sonores venant de l’extérieur.

Social / Économie

Coût de construction

Sur le plan économique, les installations de sécurité, les mesures pour l’accessibilité et le temps de formation de l’ensemble des acteur ont fait augmenter les coûts.

Le terrain a coûté 32 500 €, et le contrat constructeur 395 000 € TTC, soit 1 411 €/m² TTC.

Gouvernance

Définition des besoin

Les équipe de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’oeuvre sont représentées par la même personne, ce qui a induit une approche globale du projet. La maison a été conçue en repectant un processus de conception intégrée (PCI), qui a été facilité par la mise en oeuvre de tous les lots par un entreprise générale du bâtiment.

Mobilisation des acteurs en phase construction

La durée des travaux aura été assez longue, permettant ainsi d’évaluer les solutions techniques et de former les personnels intervenants. Les charpentiers, électriciens, plombiers et maçons du chantier, en plus des ouvriers en insertion, ont bénéficié de stages sur le béton de chaux-chanvre.

Le couvreur a aussi suivi un perfectionnement sur le zinc et sur l’étanchéité (Sitka) pour la toiture terrasse végétalisée.

Tous les ouvriers de l’entreprise générale de travaux ont fait une formation aux économies d’énergie dans le bâtiment (FEE Bat). Certains ont appris la pose en tunnel des fenêtres avec raccordement sur enduit chaux et la pose d’une VMC double-flux (fournisseur).

Le processus de conception intégrée a favorisé les échanges, notamment entre le bureau d’étude et les différents techniciens, par exemple sur l’analyse des ponts thermiques.

Le maître d’ouvrage, lui-même technicien de formation, s’est formé à l’écoconstruction grâce au projet européen Inater’ et sur l’outil PHPP. 

Intervenants

Intervenants

Maître d’ouvrageMartine et Jacques Carimalo
ArchitecteMenguy Architectes (Vannes – 56)
Entreprise générale – Tous lotsCarimalo Construction (Loudéac – 22)
Chantier de formation expérimentalEtudes ET Chantiers (Rennes – 35)
Expert en béton de chanvreEvia Partners (Ottignies – Belgique)
Bureau d’étude thermiqueEnergelio (Seclin – 59)