Une maison sur les Toits à Brest

Synthèse

Contexte

Cette copropriété, située quartier de l’Europe à Brest, se compose d’un immeuble de 3 étages, construit en 1938. L’élévation rectangulaire et compacte de cette copropriété se divise en 8 lots d’habitations. Parmi les propriétaires du  syndicat de copropriété, nous retrouvons nos deux propriétaires.

Quand ces Brestois, Sandra et Charles, se sont mis à la recherche d’un projet pour leur habitation, le champ des possibles était ouvert. Ils savaient, surtout,  ce qu’ils ne voulaient pas. Pas d’artificialisation des sols naturels ou agricole, pas de maison individuelle en lotissement ; et ce qu’ils souhaitaient : être indépendant de la voiture, tout en bénéficiant des services de la ville,  bâtir avec des matériaux naturels, un logement confortable et économe.  Ainsi, installés dans leur duplex en copropriété, se prenant à rêver de leur futur nid, la métaphore les a peut-être poussés dans ce projet de construction-rénovation en surélévation. 

L’immeuble de 1938 permettait, au regard du PLU, d’aménager le toit de trois niveaux supplémentaires. Les 170m2 à l’arase de l’élévation, formeront la base de leur terrain à bâtir. C’est ainsi que leur future maison est née.  Il ne leur restait plus qu’à porter leur projet au bout de leurs ambitions. 

Objectifs prioritaires

  • Des matériaux naturels, biosourcés et non traités 
  • La non-artificialisation des sols 
  • Un budget contraint et pragmatique
Photographie de la forme architecturale d'une maison en bois sur une copropriété à Brest. Photographie intégrée au dossier de retour d'expérience, réalisé par BATYLAB en mars 2023. Crédits : Pascal LEOPOLD, Photographe.
Photographie de la forme architecturale d’une maison en bois sur une copropriété à Brest. Photographie intégrée au dossier de retour d’expérience, réalisé par BATYLAB en mars 2023. Crédits : Pascal LEOPOLD, Photographe.

Difficultés et enseignements

Plusieurs bureaux d’études structures ont dû être consultés au regard des techniques constructives du bâtiment existant. 

Le projet d’extension de la cage d’escalier n’était pas économiquement viable au regard des normes de sécurité incendie.

La 1ère consultation des entreprises d’exécution s’est avérée infructueuse au regard du projet. 

Facteur de réussite

Un jeu d’acteur favorable. Syndics bénévoles dans leur copropriété et résidents de l’immeuble depuis 20 ans, les porteurs de projet n’ont pas eu de difficultés à présenter leur projet aux restes des copropriétaires.   

Une opération «gagnant-gagnant». Les travaux de réfection de la couverture et de ravalement de façade étant à l’ordre du jour, la possibilité d’une prise en charge du premier lot et d’une mutualisation de l’échaufaudage pour le second, ont permis le déclenchement des démarches. En effet, l’adhésion des copropriétaires reste le premier vecteur de réussite en copropriété.

Une longue conception. N’étant pas contraints par une quelconque  obligation de délai, les porteurs de projet ont pu donner le temps nécessaire à la conception du bâtiment au croisement entre rénovation, extension-surélavation et construction bas-carbone. 

Témoignages

« Nous avons proposé d’intégrer un jardin d’hiver au projet. Il est important de soumettre cet espace sans affectation, dédié au libre usage des occupants.  »

Claire BERNARD et Yannick JEGADO 

Architectes

Description

Mode constructif

Le projet se compose d’une rénovation et d’une surélévation. Pour la copropriété, ces travaux permettent la réhabilitation de la couverture et la réalisation du ravalement de façade. Sur la coupe ci-dessous, les espaces s’organisent sur deux niveaux : au R+3, le studio existant est transformé en chambre + salle de bain et entrée, la surélévation est divisée en une cuisine – pièce de vie, une buanderie et un salon puis en mezzanine une cambre et sa salle de bain. Le jardin d’hiver vient se greffer dans la continuité de la surélévation.

L’ossature principale de la surélévation est composée d’une structure en bois bardée et isolé par des isolants biosourcés (laine de bois et fibre de bois majoritairement). La surélévation repose sur un plancher bois ventilé et une ceinture de béton armé qui répartie les charges sur la maçonnerie existante.

Photographie au crépuscule d'une surélévation en bois sur une copropriété à Brest. Photographie intégrée au dossier de retour d'expérience, réalisé par BATYLAB en mars 2023. Crédits : Claire BERNARD & Yannick JEGADO, Architectes
Photographie au crépuscule d’une surélévation en bois sur une copropriété à Brest. Photographie intégrée au dossier de retour d’expérience, réalisé par BATYLAB en mars 2023. Crédits : Claire BERNARD & Yannick JEGADO, Architectes

Enveloppe

Composition + épaisseursR (m2.K/W)
Ossature bois
Bardage pin ou aluminium, pare-pluie, panneaux fibre de bois 60mm + insufflation de ouate ce cellulose dans l’ossature bois, Fermacel
5,12
Murs rénovés
Feramcell , laine de bois  – 14,5 cm, double paroie moellon , enduit hydrolique
3,8
Plancher bas
OSB, poutres lamellés-collés support de solive bois, isolation ouate de cellulose soufflée
13,5
Toiture

Alu préfa, membrane Delta Trela, voliges poutres, entretoises, pare-pluie, tasseaux de ventilation, laine de bois 300mm, frein vapeur, panneau de peuplier
7,5
Menuiseries

Menuiseries chassi alu double vitrage – 4/16/4, argon


Uw = 1,6, Sw=0,45

Le bâtiment possède un Ubât de 0,46 W/m2.K, correspondant à une enveloppe performante.

Systèmes

Nature
ChauffageChaudières gaz issu du réemploi in-situ + poêle à bois
VentilationVentilation double flux
ECSpanneaux solaires thermique + chaudière gaz
BioclimatismeApport solaire complémentaire par le jardin d’hiver

Territoire et site

Insertion urbaine & paysagère

Construit en 1938, avant la reconstruction de Brest (1945-1957) avec en figure de proue, l’architecte Jean-Baptiste Mathon, l’immeuble de la rue du Docteur Charcot prend aujourd’hui sa place dans un contexte urbain marqué. à mi-chemin entre le cimetière de Kerfautras et les grands ensembles donnant sur la rue Albert Louppe, il s’inscrit comme la prémisse d’une densification à venir, dans un quartier jusqu’alors résidentiel. En comparaison, les constructions voisines se composent, elles, de maisons individuelles allant du plain-pied au R+1 plus comble. 

Le projet fait office de pivot entre ces deux espaces urbains distincts. Le travail des architectes Claire BERNARD et Yannick JEGADO prend en considération ces contraintes environnantes, notamment par la gestion des vis-à-visau nord et à l’est. La traduction architecturale se décline à travers une implantation en rive de l’immeuble à l’est, des ouvertures tournées principalement vers le sud et l’ouest vers les maisons individuelles. à noter, l’inclinaison et la forme de la toiture permettent d’inscrire le projet dans les volumétries urbaines tout en valorisant les apports solaires. Enfin, la baie donnant sur la terrasse s’ouvre dans la façade aveugle à l’est vers les grand ensemble « comme un appel à la curiosité », souhaitée par la maîtrise d’ouvrage (cf. couverture). 

Biodiversité

A l’image de la copropriété, les maisons individuelles du quartier possèdent respectivement leur jardin arboré. Au nord et à l’est, les grands immeubles offrent de larges engazonnements ouverts sur l’espace public. Au sud-est, le cimetière de Kerfautras, commémorant les combattants du commonwealth de la Seconde Guerre Mondiale, livre un grand espace engazonné et arboré. Ce quartier largement anthropisé de centre-ville bénéficie d’une végétalisation fragmentée, mais importante. à noter, des ébauches de continuités intéressantes

Le vallon du Stangalard et le jardin du conservatoire Botanique de Brest sont à 20min en transport ou 5 min en voiture, tracent la voie vers la côte Brestoise et ses richesses naturelles. 

Le projet prévoit des espaces de plantation sur la terrasse et dans le jardin d’hiver. La vue dégagée laisse apercevoir un dégradé de ville et de nature. 

Mobilité

L’immeuble bénéficie d’un emplacement privilégié avec l’accès à 12 lignes de bus différentes et à la ligne de tram, le tout à moins de 5 min à pied. Plusieurs gymnases, groupes scolaires, commerces de proximité et magasins se situent à moins de 10 min à pied. Le stationnement est facilement accessible dans la rue et sur un parking public situé à proximité. Le logement rénové bénéficie d’un garage privatif. Enfin, la gare de Brest est accessible en 20 min en transport en commun ou à pied. La copropriété ne possédant pas d’ascenseur, un treuil mécanique est installé dans le projet afin de monter et de descendre les lourdes charges

BIOCLIMATISME

De par sa situation en hauteur, la surélévation ne supporte aucun masque solaire. La conception du projet permet d’intégrer la dimension bioclimatique au travers de l’implantation judicieuse du jardin d’hiver et la forme donnée à la couverture. Ce jardin d’hiver sert à la fois de puits de chaleur passif, à la fois de coupe-vent ou d’espace tampon avec son implantation plein ouest, dans les vents dominants, et enfin, d’apport en lumière naturelle par son bardage translucide et la forme légèrement concave de la couverture. 

Photographie de la terrasse d'une maison en bois sur une copropriété à Brest. Photographie intégrée au dossier de retour d'expérience, réalisé par BATYLAB en mars 2023.
Photographie de la terrasse d’une maison en bois sur une copropriété à Brest. Photographie intégrée au dossier de retour d’expérience, réalisé par BATYLAB en mars 2023.

Énergie / Climat

Besoins Énergétiques

L’étude thermique réglementaire – RT 2012 – fait état, pour le projet de surélévation, des données suivantes : 

Bbio : 50,60 & Bbiomax : 67,80

Ubât = 0,468 W/(m2.k)

Cep : 64.60 kWhep/(m2.an) & Cepmax : 71.80 kWhep/(m2.an)

à ce titre le projet est classé en étiquette B de performance énergétique

Confort d’été

Le premier scénario thermique a fait ressortir dans le logement de nombreux pics à 30°C tout au long de l’année, en période estivale et non-estivale. Le problème de surchauffes dans l’appartement révèle alors un taux d’inconfort d’environ 20%. Dans le jardin d’hiver, des pics nettement plus importants sont observés essentiellement l’été. Ce constat a permis de se prémunir de  températures pouvant atteindre les 60°C, avec des ouvertures traversantes, toute hauteur et une couverture partiellement opaque. Pour  le volume chauffé, un redimensionnement des ouvertures ainsi que l’installation de masques solaires a été préconisé. 

Energies renouvelables

Le besoin en eau chaude sanitaire est couvert à 70% par des capteurs solaires à tubes sous vide VTC15, d’une surface de 4,72 m2. Les 30% de besoin restant sont couvert par l’ancienne chaudière gaz. 

Le besoin de chauffage est entièrement couvert pour la surélévation par le poêle à bois. La chaudière gaz est maintenue pour  le chauffage du studio.  La ventilation double flux et les apports solaires participent largement à la réduction du besoin de chauffage.

« Le jardin d’hiver permet, à moindre coût, d’augmenter : la taille de la maison et l’apport passif d’énergie solaire »

Claire BERNARD et Yannick JEGADO 
Architectes

Approche carbone

Aucune ACV n’a été réalisé sur le projet, cependant la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’oeuvre ont été vigilant à l’impacte carbone de l’opération. Les éléments clef de leur réflexion peut être résumé comme suit :

Application du concept "ERC" au projet. Photographie intégrée au dossier de retour d'expérience, réalisé par BATYLAB en mars 2023.
Application du concept « ERC » au projet. Photographie intégrée au dossier de retour d’expérience, réalisé par BATYLAB en mars 2023.

Confort / Santé

Qualité de l’air intérieur 

Après quelques années dans le logement, Charles et Sandra témoignent d’une qualité de l’air remarquable. L’utilisation de matériaux biosourcés, le recours à des peintures naturelles et la présence prédominante du bois dans la surélévation créent une ambiance avec une odeur spécifique. De plus, comme les apports solaires passifs répondent entièrement au besoin de chauffage du logement, l’aération par ouverture des fenêtres est quotidien. Avec la situation en surélévation du logement et son organisation traversante, les occupants profitent des vents océaniques pour le renouvellement de l’air intérieur. 

Confort d’été

La structure légère de la surélévation la rend sensible aux surchauffes. L’étude thermique dynamique a permis en de phase conception de réduire les ouvertures. 

L’organisation traversante du logement permet l’aération en cas de pic de température et des masques solaires amovibles sont prévus. 

Confort d’hiver

La performance du projet permet aux occupants de gérer le chauffage uniquement par un apport ponctuel du poêle à bois. Les apports solaires passifs participent fortement au confort. 

Éclairage 

Éclairage naturel

La lumière naturelle couvre l’ensemble des besoins d’éclairement dans la surélévation durant toute la course du soleil. Seul l’appartement rénové ne possédant pas d’ouverture vers l’ouest nécessite le recours à de l’éclairage artificiel en fin de journée. Cette caractéristique favorise les économies d‘énergie en électricité spécifique et participe fortement à la qualité de vie et d’usage du logement. Témoignage de cette qualité : le jardin d’hiver permet, selon les occupants, « un bain de lumière en toute saison ».  

Photographie de l'aménagement intérieure d'une maison en bois sur une copropriété à Brest. Photographie intégrée au dossier de retour d'expérience, réalisé par BATYLAB en mars 2023. Crédits : Pascal LEOPOLD, Photographe.
Photographie de l’aménagement intérieure d’une maison en bois sur une copropriété à Brest. Photographie intégrée au dossier de retour d’expérience, réalisé par BATYLAB en mars 2023. Crédits : Pascal LEOPOLD, Photographe.

Social / Économie

Coût de construction

Bilan économique du projet. Photographie intégrée au dossier de retour d'expérience, réalisé par BATYLAB en mars 2023.
Bilan économique du projet. Photographie intégrée au dossier de retour d’expérience, réalisé par BATYLAB en mars 2023.

Chantier

Avant toute chose, il a été nécessaire de déposer la charpente, la couverture double pente ainsi que les pignons maçonnés, les conduites de cheminées et les réseaux d’évacuation (une chaudière gaz, une évacuation de poêle entre autres choses). Puis, suivant les préconisations d’un bureau d’étude structure, un chaînage en béton armé est réalisé sur la périphérie. Il recevra le nouveau plancher et la terrasse accessible. Ce chaînage est indispensable pour répartir les charges ponctuelles du nouveau plancher portant sur la maçonnerie ancienne en moellon. 

Un effort de coordination considérable a été nécessaire entre les corps d’état, en particulier entre le couvreur et le charpentier lors de l’étanchéité du plancher bas. 

Malheureusement pour le projet,  il n’a pas été possible de réaliser de  préfabrication hors site. Les murs ossature bois ont dû être montés sur chantier en raison du nombre de réseaux aériens dans la rue.  

Côté équipement, le chauffage est soutenu uniquement par les apports passifs et un poêle à bûche. L’eau chaude sanitaire est produite à 70% par des panneaux solaires thermiques. Quant à elle, l’ancienne chaudière gaz double service a pu être conservée, déposée et remontée pour compléter la production d’ECS et le chauffage du studio initial. Une ventilation double flux complète les équipements. 

Sensibilisation

Des élèves et professeurs de 4ème et 3ème du collège de la Fontaine Margot ont été invités à suivre le projet à plusieurs étapes du chantier. Cette action a permis de sensibiliser et d’informer de futurs apprentis aux pratiques de la construction. 

Les acteurs du projet n’ont cessé depuis la livraison du projet de sensibiliser par l’exemple sur ce sujet de la surélévation. Les visites du logements et les articles de presse ont par ailleurs très largement documenté le sujet.  

Perception du projet

Le projet nourrit des spéculations chez les riverains et dans l’imaginaire du quartier. Le coût de travaux est systématiquement surévalué et appréhendé comme la « folie d’un métropolitain ». Le concept de la surélévation paye les frais d’un imaginaire social, laissant croire à des projets irréalisables. 

Bien au contraire, c’est à la fois une opportunité environnementale et de mutualisation des besoins (rénovation, construction). 

 

« Au début, ce projet nous questionnait. Nous pensions ne voir QUE ça. Aujourd’hui, c’est entré dans notre quotidien. On se plaint de ne pas voir notre lanterne la nuit quand les propriétaires sont absents. »

Un riverain
Photographie au crépuscule d'une surélévation en bois sur une copropriété à Brest. Photographie intégrée au dossier de retour d'expérience, réalisé par BATYLAB en mars 2023. Crédits : Pascal LEOPOLD, Photographe.
Photographie au crépuscule d’une surélévation en bois sur une copropriété à Brest. Photographie intégrée au dossier de retour d’expérience, réalisé par BATYLAB en mars 2023. Crédits : Pascal LEOPOLD, Photographe.

Gouvernance

Définition des besoins

La rénovation d’une copropriété nécessite un engagement de chaque partie afin de mener à bien le projet. Les porteurs de projet ont pu profiter de leur position d’acteur de confiance auprès du syndicat des copropriétaires. En effet, les porteurs du projet en tant que syndics bénévoles et membres de la copropriété depuis 20 ans ont pu recevoir un accord unanime en toute confiance. 

Il a été bien plus difficile de trouver un architecte pour les accompagner sur le volet maîtrise d’oeuvre. 

Pour aller plus loin

Découvrez en vidéo les témoignages de Claire BERNARD, architecte sur ce projet et de Charles CROZON, propriétaire de cette habitation.