Projet Mizu : le plus petit bâtiment passif au monde

Synthèse

Contexte

Thomas Primault et sa compagne ont acheté une maison en terre qu’ils ont rénovée en 2007. Passionnés par la culture japonaise, une maison de thé vient compléter le U que forme la maison autour d’un jardin zen grandeur nature. En 2009, alors qu’il finit la rénovation du bâtiment, Thomas Primault crée son bureau d’étude thermique, Hinoki, qu’il installe à l’intérieur de sa maison. Après quelques années, alors que son activité prend de l’ampleur, il vient à manquer de place dans la maison. Il décide alors d’investir la maison de thé et d’y aménager son bureau. L’objectif de rendre ce bureau passif s’inscrit naturellement dans ce projet, puisque c’est sur ce type de construction que Thomas Primault s’est spécialisé.

Le projet a été mené en respectant les principes de l’architecture japonaise et des maisons de thé : préau fermé sur pilotis, toit faiblement pentu, petite taille, sobriété de l’ameublement. 

Le projet de rénovation est baptisé « Mizu », qui signifie « eau » en japonais, car l’eau qui boue dans une théière de fonte est ici l’unique mode de chauffage.

D’une surface de 11,8 m² seulement, le projet Mizu est le plus petit bâtiment passif au monde. Il a été pensé comme un prototype destiné à relever un défi technique plutôt que comme un modèle reproductible. En effet, certains choix n’auraient pas été justifiés dans un bâtiment de cette taille si le projet n’avais pas bénéficié de l’aide de 20 sponsors qui lui ont fourni gratuitement leurs produits.

Des informations complémentaires sont disponibles sur le site web du projet http://projetmizu.eu/.

Objectifs prioritaires

  • Montrer qu’un bâtiment exemplaire au niveau écologique est avant tout un petit bâtiment
  • Réaliser une vitrine de son activité professionnelle
  • Créer un bâtiment confortable, minimaliste mais adapté au besoin de son utilisateur

Démarches / Labels / Certifications

Le projet Mizu a été labellisé Passivhaus fin 2014.

Difficultés rencontrées

L’obtention du label Passivhaus est un vrai défi pour un bâtiment de cette taille. Des solutions techniques spécifiques ont du être apportée en termes d’isolation, d’étanchéité à l’air et d’aménagement intérieur.

Témoignages

 » L’objectif est […] de faire de ce projet un emblème de ce qui se fait de mieux aujourd’hui en termes de matériaux et de performances, […] de démontrer un savoir-faire autour d’un projet atypique. » Thomas Primault

« La réflexion sur les usages en amont […] rend ce petit espace très confortable et spacieux finalement » Thomas Primault

Description

Mode constructif

Le bâtiment est en ossature bois. Il est isolé par de la fibre de bois, de la ouate de cellulose et des plaques d’isolant sous vide. La charpente est en douglas local sur pilotis de granit. L’étanchéité à l’air est réalisée avec un film frein-vapeur hygrovariable qui fait le tour complet du bâtiment. Les menuiseries sont en triple vitrage sur châssis mixte (bois-alu). Le bâtiment dispose de deux ouvertures exposés sud, et d’une à l’est.Enveloppe

ParoiCompositionEpaisseur d’isolant (cm)U (W/m².K)
ToitureZinc / lame d’air / pare-pluie fibre de bois / fibre de bois + pannes et chevrons / pare-vapeur / fibre de bois / plaque de plâtre BA132,2 / 26 / 100,109
MursBardage bois / lame d’air / pare-pluie fibre de bois / ossature bois et ouate de cellulose insufflée / pare-vapeur / fibre de bois / plâtre2,2 / 20 / 60,155
PlancherDalle bois OSB 3 / solives et ouate de cellulose insufflée / OSB3 / plaques d’isolant sous vide / sous couche polyéthylène  / parquet chêne16 / 60,087

Focus technique : les isolants sous vide

Le plancher en bois donnant sur l’extérieur est isolé avec 160 mm de ouate de cellulose entre solives, ce qui n’est pas suffisant pour atteindre les 15 kWh/m²/an exigé par le label PassivHaus. Pour éviter d’ajouter trop d’épaisseur, Thomas Primault a eu recours à une technologie encore peu utilisée : les isolants sous vide, ou VIP (pour vacuum insulated panel). Il s’agit de panneaux de silice pyrogène microporeux pressés, puis passés dans une pompe à vide et enveloppés de film métallisé étanche à l’air. La dépression ainsi créée permet à cet isolant d’atteindre une conductivité thermique (lambda) de 0,0044 W/m².K. Cependant, la performance thermique de ce matériau se dégrade avec le temps, et une valeur de 0,0077 W/m².K a été retenue pour l’étude thermique en tenant compte de l’usure sur 25 ans. Les panneaux d’isolant sous vide sont commercialisés dans des dimensions standardisées, et ne peuvent pas être découpés. Ils imposent donc un calepinage précis, et les différentes couches doivent être décalées les unes par rapport aux autres, pour limiter les ponts thermiques des jonctions entre les plaques. Ici, trois couches de 20 mm ont été posées.

Superposition des deux premières couches d’isolant. © Hinoki

Le plancher a été posé avant le doublage des parois. De cette manière, il passe sous les doublages et les cloisons. Ceci limite les ponts thermiques au niveau des jonctions entre le plancher et les parois. De plus, cela permet d’obtenir une belle finition sans avoir à poser de plinthes.

Systèmes

ChauffageApports solaires, chaleur métabolique, plaque à induction pour théière, VMC double-flux, matériel de bureautique
VentilationVMC double-flux 45-120 m3/h, rendement 89%
ECSnon

Le système de ventilation est équipé de gaines rigides en acier galvanisé, qui garantissent un niveau sonore inaudible. Elles sont munies de doubles joints élastomères, qui assurent une très bonne étanchéité du réseau (classe D). Les gaines ont un diamètre de 125 mm, ce qui correspond à un débit nominal de 60m3/h. La ventilation est programmée pour ne fonctionner qu’aux heures de bureau les jours de semaine. La gaine reliant la partie technique au bureau est restée apparente afin de conserver le volume de la pièce.

Etanchéité des gaines. © Hinoki

Focus technique : la performance dans les petits bâtiments

La surface du bureau (11,8m²) a été déterminée par la maison de thé existante, mais aussi par la volonté du maître d’ouvrage d’être exemplaire sur le plan environnemental. En effet, un petit bâtiment consomme peu d’énergie, peu de matériaux, et limite l’artificialisation des sols. 

Mais à forme équivalente, plus un bâtiment est petit, moins il est compact. La compacité est définie comme le rapport entre le volume d’un solide et sa surface. Sur l’image ci-dessous, si le cube de gauche a une surface déperditive correspondant à 5 carré, et un volume de 1, sa compacité est de 5/1=5. Le cube le plus à droite, bien qu’étant de même forme, aura alors une compacité de 125/125=1.

Les petits bâtiments sont donc moins compacts que les grands, ce qui les rend plus difficile à isoler car proportionnellement, leur surface déperditive est plus importante.

Pour que l’efficacité soit la même, il faut que les parois soient 5 fois plus performantes dans le cas du projet Mizu que dans un immeuble de 40 logements. Le choix des isolants a donc été très important pour la réussite du projet. Outre les critères d’origine locale et naturelle, Thomas Primault a privilégié les isolants performants mais pas trop épais, pour éviter de réduire la surface habitable. C’est pour cette raison qu’il a opté pour un isolant sous vide.

La petite taille du bâtiment rend aussi son étanchéification à l’air plus difficile, car la surface et le nombre de points singuliers par lesquels l’air peut communiquer avec l’extérieur sont proportionnellement plus importants que pour un bâtiment de volume supérieur. Un frein vapeur hygrovariable recouvre tout l’intérieur de l’enveloppe, y compris le sol en OSB que le maître d’oeuvre considère trop poreux. Tous les percements de l’enveloppe (câbles électrique, VMC, évacuation des eaux etc.) ont été traités avec des manchettes d’étanchéité en EPDM. De même, pour limiter les défauts d’étanchéité, une seule fenêtre peut s’ouvrir. Les deux autres sont fixes. Le test d’infiltrométrie selon la norme n50 (mise en dépression du bâtiment à 50 Pa) indique une étanchéité à l’air de 0,44 vol/h, ce qui est inférieur au maximum de 0,6 vol/h requis par la label Passivhaus.

Le maître d’oeuvre a eu recours à un modèle de ventilation double-flux destiné spécifiquement aux petits bâtiments. Son débit descend jusqu’à 45 m3/heure, ce qui représente une réduction des nuisances sonores et des consommations (son fonctionnement n’utilise que 10W). Compte-tenu des dimensions du projet, il était impossible d’aménager un local technique. Le caisson de ventilation, épais de 25 cm seulement, a donc été installé dans le faux-plafond.

Le volume du bâtiment a nécessité un travail de définition des besoins, d’optimisation de l’agencement et d’ergonomie des meubles. Les étagères, par exemple, sont aussi profondes que la largeur d’une feuille A4, de manière à pouvoir y ranger des documents sans réduire le volume.

Les grandes ouvertures et le prolongement du plancher sur quelques dizaines de centimètres derrière les baies vitrées contribuent à une sensation d’espace.

Gaine apparente et optimisation du mobilier. © Hinoki

Territoire et site

Mobilité

Thomas Primault a fait le choix d’installer le siège de son entreprise dans sa maison pour préserver sa vie familiale, mais aussi pour limiter les transports. Travaillant seul, il n’aurait pas eu d’intérêt à déplacer son activité.

Patrimoine

Le bureau a été construit sur pilotis pour ne pas abîmer les racines d’un vieux chêne, qui est intégré au projet paysager de la maison et du bureau.

Arbre et pilotis. © RBBD

Bioclimatisme

Pour atteindre le niveau passif, le bureau doit être conçu selon les principes du bioclimatisme : grandes ouvertures au sud et à l’est pour maximiser les apports solaires, mais pas au nord pour réduire les pertes de chaleur. Des débords de toit empêchent l’entrée des rayons solaires en été, mais pas en hiver lorsque le soleil est plus bas à l’horizon. A l’est, un brise-soleil orientable situé à l’extérieur de la vitre assure le confort visuel en réduisant les reflets sur l’écran d’ordinateur.

Énergie / Climat

Besoins énergétiques

Les besoins énergétiques du bureau se résument à la plaque à induction pour le thé (et le chauffage !), au matériel informatique, à la ventilation et à l’éclairage par led. Le calcul PHPP estime les besoins en énergie primaire à 94 kWh/m².an. Les besoins de chauffage du bâtiment sont de 12 kWh/m².an, ce qui est en-dessous de la limite de 15 kWh/m².an nécessaire à l’obtention du label Passivhaus.

© Hinoki

Energies renouvelables

La maison est équipée de panneaux solaires photovoltaïques d’une puissance de 3 kW, dont 2 kW sont distribués sur le réseau public. Le reste est utilisé en auto-consommation, sans pour autant couvrir la totalité des besoins car il n’y a pas de stockage de l’énergie électrique.

Panneaux solaires photovoltaïques. © RBBD

Mesure et évaluation

Le bureau est équipé de sondes permettant de mesurer en direct les températures intérieures et extérieures, les consommations du bâtiment et la température à l’intérieur des parois (voir la partie Confort thermique de l’onglet Confort/Santé).

Eau

Assainissement

La maison n’est pas connectée au réseau d’assainissement collectif. A la place, elle a recours à un système de phyto-épuration qui, selon le propriétaire, requiert un entretien qui peut être contraignant.

Eau et santé

La maison est éloignée du réseau d’eau potable. Les maîtres d’ouvrage ont décidé de forer un puits sur leur parcelle plutôt que d’entreprendre des travaux de raccordement. En plus d’être moins chère, cette solution leur garantit une autonomie vis-à-vis du réseau. Conformément à la loi en vigueur, ils ont réalisé un forage de 45 mètres de profondeur. Des tests réguliers révèlent une très bonne qualité sanitaire de l’eau.

Déchets

Cycle de vie du bâtiment

En plus de la performance énergétique et de la qualité d’usage, la sélection de matériaux bio-sourcés, non traités et d’origine locale a été au coeur des préoccupations du maître d’ouvrage. Le béton de ciment, dont l’analyse du cycle de vie révèle d’importantes consommations d’énergie grise (500 kW/m3, source : www.ecoconso.be), a seulement été utilisé pour les 7 massifs d’environ 70x70x70 cm sur lesquels reposent les pilotis en granit (20x20x20 cm).béton armé 1 850 kWh/m³béton armé 1 850 kWh/m³béton armé 1 850 kWh/m³

Déchets de chantier et recyclage

Le bois du contre-lattage provient du recyclage de vieux panneau en bois. La ouate de cellulose utilisée comme isolant est issue du recyclage de journaux.

Confort / Santé

Qualité de l’air intérieur

Dans un souci de qualité de l’air intérieur, les matériaux de construction, d’ameublement et de décoration sont d’origine naturelle, et ne sont pas traités. Par exemple, la peinture est faite à base d’algues. Elle contient moins de 1 g/l de composés organiques volatils (COV), et est dépourvue d’aromates toxiques dérivés du pétrole. Qui plus est, elle est produite à une dizaine de kilomètres seulement du bureau.

Electromagnétisme

Le réseau d’électricité du bâtiment est biocompatible, c’est-à-dire que les circuits électriques sont blindés et reliés à la terre. Ceci permet d’une part d’éviter qu’ils rayonnent, et d’autre part de créer une cage de Faradet autour du bâtiment pour le protéger des champs électromagnétiques extérieurs. Les bâtiments à ossature bois sont considérés particulièrement vulnérables aux champs électromagnétiques.

Mise en place des gaines et boîtiers blindés. © Hinoki

Dans la même logique, il n’y a pas de WiFi dans le bureau. L’accès à internet a d’abord été assuré par un courant porteur en ligne. Il s’agit d’utiliser le réseau électrique de la maison pour transmettre des informations. Au courant électrique de puissance du réseau électrique (alternatif 50 Hz) est superposé un signal à beaucoup plus haute fréquence (de l’ordre de la dizaine de MHz). Ce signal se propage sur toute l’installation électrique et peut être reçu et décodé à distance. Une première mesure a révélé qu’avec ce système, tous les appareils électriques en marche deviennent des émetteurs d’ondes électromagnétiques. Thomas Primault a donc utilisé une connexion filaire (ethernet), qui en plus d’éviter les champs électromagnétiques lui assure une connexion de meilleure qualité.

Confort thermique d’été

Pour ramener de l’inertie thermique dans ce projet 100% bois, sans pour autant empiéter sur l’espace, Thomas Primault a utilisé une solution innovante : l’enduit à changement de phase. Cet enduit contient des microbilles de cire végétale dont la température de fusion est de 23°C. Lorsque cette température est atteinte, elles fondent en absorbant une grande quantité d’énergie sous forme de chaleur latente. Cela limite les surchauffes en journée pendant l’été. Cette chaleur est restituée la nuit, et évacuée grâce à une surventilation nocturne. Ce cycle journalier apporte de l’inertie sans trop épaissir les murs, puisque seulement 6 millimètres d’enduit ont été posés.

Une sonde de température a été intégrée dans l’enduit pour suivre ses performances. Les courbes de température n’indiquent cependant pas de pallier à 23°C. Le maître d’ouvrage se questionne donc sur l’efficacité de ce procédé, mais il est difficile de conclure car il n’y a pas de « mur référence sans enduit » dans la pièce, qui aurait pu servir de comparaison.

Plus d’information sur la plaquette de Winco Technologies.

Pose de la sonde de température dans l’enduit. © Hinoki

Confort thermique d’hiver

Thomas Primault reporte de légères surchauffes durant l’hiver, lorsque les rayons du soleil sont plus horizontaux et pénètrent mieux dans le bâtiment. Celles-ci n’occasionnent pas de gêne particulière puisqu’il suffit d’aérer pour y remédier.

Confort visuel

Les grandes ouvertures au sud et à l’est permettent d’importants apports de lumière naturelle. Un brise-soleil orientable permet de limiter ces apports si les reflets sur l’écran de l’ordinateur gênent l’utilisateur.

Ergonomie et accessibilité

La volumétrie du bâtiment a imposé une réflexion particulière sur l’agencement de la pièce. Les usages ont été étudiés, et le résultat correspond aux besoins de l’usager, dont la petite taille du bureau ne dérange pas.

Nuisances sonores

La localisation du bâtiment ne l’expose pas à des sources sonores extérieures qui pourraient être gênantes. Cet aspect n’a donc pas eu à être pris en compte. En revanche, dans un si petit espace, le bruit de la VMC double flux peut occasionner une nuisance. Thomas Primault a donc opté pour un modèle à faible débit spécialement conçu pour les petits bâtiments. Il a aussi installé des gaines rigides, qui sont moins bruyantes que les gaines souples. En condition normale d’utilisation, la VMC est inaudible.

Social / Économie

Coût de construction

Le coût exact de la construction n’est pas connu et n’a pas vocation à donner une référence en terme de prix. En effet, ce projet a été pensé comme un prototype destiné à relever un défi technique. Certains choix ne seraient pas justifiés dans un bâtiment de cette taille (la ventilation double-flux, par exemple). Enfin, le projet a bénéficié de l’aide de 20 sponsors qui ont fourni gratuitement leurs produits. D’autre part, beaucoup de travaux ont été faits en auto-construction.

Gouvernance

Pas d’information disponible

Intervenants

Intervenants

LotEntreprise
Menuiseries 1Art du toit – Saint-Domineuc (35)
Menuiseries 2C’passif – Brech (56)
Menuiseries 3Unilux – Danemark
Etanchéité à l’air et doublage plâtreClément Aménagement
Peinture naturelle aux alguesFelor – Vern-sur-Seiche (35)
Enduit intérieurEnerciel – Tregueux (22)
Gestion u monitoringAltie
Electricité biocompatibleElectromagnétique.com – L’Hermitage (35)
Isolant sous videIsolproducts – Allemagne
Ventilation double-fluxHelios – Allemagne
ParquetPanaget – Bourgbarré (35)
Gaines rigidesLindab – Saint-Jacques-de-la-Landes (35)
Isolant rampant et cloisonsPavatex – Golbey (88)
Insufflation ouate de celluloseQuali confort – Thorigné-Fouillard (35)
Membranes et adhésifs d’étanchéité à l’airPro clima – Allemagne
Test d’étanchéité à l’airTy eco² – Bourd-des-Comptes (35)
Pose ventilation et électricitéHéliante – Rennes (35)
Brise-soleil orientableInternorm – Autriche