Réhabiliter l’habitat : Confort & usages
Exercice méthodologique à postériori basé sur la « Guidance wheel ». Outil à destination de la maîtrise d’oeuvre et la maîtrise d’ouvrage pour prévenir les écueils lors de projets de rénovation dans l’ancien patrimonial ou vernaculaire.
Synthèse
Contexte
Le présent retour d’expérience s’attarde sur la réhabilitation du corps de ferme de Keravel, composé de quatre bâtiments existants et d’une construction neuve. Nous nous attarderons particulièrement sur le bâtiment « rapporté » formant un L avec le manoir principal.
Construction et réhabilitation sur le site de Keravel remplissent des critères similaires, la recherche d’une [plus] grande habitabilité, le recours à des matériaux bio et géo-sourcés sont intégrés à la conception dès le cahier des charges. En outre, la recherche de ressources locales est intégrée à la conception, ainsi que la bonification du site dans le respect du bâti ancien. Trois phase distinctes sont décrite ce REx : la réhabilitation du manoir, la construction de l’agence d’architecture B. HOUSSAIS Architecture et la surélévation / Réhabilitation d’une annexe.
L’extension du manoir du XVI siècle par la réhabilitation de l’annexe en pierre et sa surélévation en ossature bois et remplissage paille sera le sujet principal de ce retour d’expérience. Le descriptif du projet fera état des interventions successives afin de mettre en perspective l’opération.
Le projet de réhabilitation/surélévation concentre un nombre important d’enjeux touchant l’intervention sur le bâti ancien. Notamment, il sera question de la gestion de l’eau sous toutes ses formes dans le bâti ancien. Ce retour d’expérience comporte une présentation succincte de l’outil de la guidance wheel développé par le CREBA sous la forme d’un exercice, a posteriori. A la lecture des pages, nous aborderons notamment la question des spécificités du bâti d’avant 1948, dont l’étape du diagnostic global du bâti.
Objectifs prioritaires
- Gain d’habitabilité
- Recherche du confort d’usage par la qualité des espaces et des perceptions
- Recours au low-tech
- Recours à des matériaux respectueux de l’environnement, de la santé et du bâti ancien
- Recherche d’une matérialité brut, sans traitements
- Valorisation du patrimoine sans effet pastiche
Difficultés et enseignements
• Partage des sensibilités/ambitions avec les exécutants ;
• Prise en compte du comportement structurel et hydrique du bâti ancien ;
• Composition des volumes ;
• Discussion avec les Architectes des Bâtiments de France.
Facteurs de réussite
• Maîtrise d’ouvrage sensible et sachante sur le domaine de l’éco-construction ;
• Capacité de phasage entre les rénovations successives ;
• Échelle d’intervention restreinte avec une maison individuelle ;
• État structurel initial sain.
M. Harscoët, copropriétaire membre du groupe de travail rénovation
Description
Les phases du projet
Phase 1 : Une première réhabilitation
La maîtrise d’ouvrage a procédé à la purge du second oeuvre et quelques démolitions de gros oeuvre afin de dégager les volumes intérieurs. L’objectif premier pour les porteurs de projet était d’apporter les éléments de confort contemporain dans une bâtisse « au charme indéniable ». Avec la démolition reconstruction de l’appentis semi-enterré se trouvant au sud (élément non-classé) et les aménagements extérieurs le bâtiment est assaini et gagne en luminosité par trois larges baies vitrées. La mise en valeur des encadrements de baie en granit, des corbeaux et manteaux des cheminées existantes, des poutres de chêne et du parquet d’origine de l’étage valorise le patrimoine architectural existant.
Le confort thermique de l‘enveloppe est lui obtenu parle remplacement de toutes les menuiseries extérieures, la rénovation de la couverture, dont l’installation de fenêtres de toit à l’alignement des baies existantes et l’isolation complète de la maison. Une bonne partie de la performance est obtenue par correction thermique des parois verticales à l’aide de chaux chanvre, chaux sable. Pour le reste de la laine minérale est mise en oeuvre, notamment à l’étage. L’installation d’un plancher chauffant au RDC et d’un système de chauffage par aérothermie vient compléter le programme de travaux. A la conception, le projet vise une performance équivalente à la RT 2012.
Phase 2 : La construction de l’agence
En lieu et place, est donc construit un bâtiment de forme traditionnelle, toiture 2 pans, à 3m de la Rue de la Pitié, dont le talus arboré est conservé. Le nouveau bâtiment présente un faîtage plus bas que le hangar existant et permet de reconstituer une cour carrée,
avec un bâtiment à l’échelle plus proche de l’annexe. Une vue vers le paysage à l’ouest est créée. Le bardage de façades sud et ouest est en bois douglas qui grise naturellement. La partie atelier est un bardage polycarbonate transparent, à ondes sinusoïdales. La
couverture des bureaux est en zinc à joint debout.
Une enveloppe est particulièrement performante au travers d’une structure biosourcé en bois et son isolation en laine et fibre de bois. Les apports solaires sont valorisés avec l’orientation sud du bâtiment et le nombre de baies qui permettent de réduire le besoin de chauffage. Le talon est comblé par un poêle à granulé et une ventilation double flux. La
programmation du poêle à air pulsé est compatible avec l’usage de bureau et l’étanchéité à l’air du bâtiment.
Phase 3 : La réhabilitation/surélévation
La surélévation est en ossature bois remplissage paille, avec un enduit terre à l’intérieur et un bardage tuya à l’extérieur. Pour la salle de bain, pièce humide, le choix s’est porté sur une isolation en ouate de cellulose et doublage en fermacell. Aucun bois n’est traité.
Les menuiseries sont en chêne triple vitrage. Les matériaux sont finis et bruts : dalles, mur enduit terre ou chaux chanvre, plafond trois plis bruts et
escalier chêne huilé.
Le socle pierre a été percé, consolidé et lourdement rénové : enduit ciment retiré, coulinage, ceinturage et une liaison à travers le pignon existant a été créé. La couverture est en zinc. La serre et le sas sont réalisés en ossature bois légère et polycarbonate.
La surélévation possède une hygrométrie et un confort optimal. L’essentiel était de rénover
respectueusement l’ancien, tout en apportant la lumière, le confort et l’usage idéal de la maison, en particulier : la connexion entre le potager situé 3 m plus haut que le RDC et la cuisine.
Enveloppe après travaux
Stratégie d’intervention contre l’humidité
Une réhabilitation réussie du bâti ancien passe par la mise en place d’une stratégie globale de gestion de l’eau et de l’humidité dans le bâti. Cette stratégie doit permettre de maintenir l’équilibre hydrique dans le bâtiment. Pour cette raison l’on parle d’intervention
respectueuse du bâti ancien. En cela, chaque projet est unique dans sa relation avec son environnement extérieur et son fonctionnement interne.
Du fait de son implantation, la construction initiale, que ce soit la partie « manoir » ou la partie « annexe », sujet du projet de surélévation, possède plusieurs murs périphériques faisant office de mur de soutènement ou présentant une continuité capillaire avec le sol naturel. De fait, le projet est sujet à un risque de remontées capillaires.
La coupe ci-dessous présente les solutions techniques retenues pour la réhabilitation du RDC : Dalle d’argile ventilé, correcteurs thermiques, drainages, isolants spécifiques…
La coupe ci-dessous présente les solutions techniques retenues pour la surélévation : Isolation du dératellement en fibre de bois, surélévation MOB remplissage paille. La coupe suivante à été modifiée en phase EXE pour substituer la paille en couverture par de la ouate de cellulose.
Territoire et site
Insertion urbaine & paysagère
Ce manoir du XVI siècle est localisé dans la commune de la Roche-Jaudy. Celle-ci se compose de plusieurs communes dont certaines bénéficient de dispositifs particuliers : Petites cités de caractère pour La Roche-Derrien, communes du Patrimoine Rural de Bretagne pour Hengoat–Pouldouran et Fondation du patrimoine pour l’ensemble de La Roche-Jaudy. Avec son ancien port en fond d’aber, sa ville haute surplombant la rivière du Jaudy, le bourg de la Roche Derrien s’inscrit dans un site largement marqué par le méandre décrit par la rivière. Le redoublement partiel de cette boucle par deux coteaux induit une forte déclivité topographique. La parcelle, qui nous intéresse, est située au 2/3 d’un de ces coteaux au sud du bourg, octroyant une belle ouverture sur le paysage.
D’inclinaison nord-ouest la topographie du site impacte l’implantation du bâtiment et son orientation initialement nord-est. Le bâtiment est ainsi protégé des vents dominants (O-SO). A contrario, l’éclairement n’est pas optimum.Implanté à une centaine de mètre de la place de l’église, le hameau dépend de la zone UC du PLU. Il juxte à l’ouest un espace naturel protégé en hachurage vert ci-contre et une zone N(z) à l’est. La commune fait partie de la communauté de commune de Lannion-Trégor-Communauté.
La Roche-Derrien, ancienne commune a fusionnée pour former la Roche-Jaudy en 2019, fait partie de la Communauté de Communes Lannion Trégor communauté, qui rassemble 57 communes. Elle a obtenu le label Petites Cités de Caractère en décembre 2014.
A proximité du lieu dit de Keravel, la chapelle voisine est classée au titre des monuments historiques. De plus, le corps principal de la maison est identifiée au PLU comme bâtiment d’intérêt patrimonial. Ainsi, la thématique patrimonial s’impose de fait aux choix constructifs qui seront développés dans ce retour d’expérience.
Biodiversité
Sur les 184 hectares que compte la commune de La Roche-Derrien, un tiers environ est occupé par son agglomération. Celle-ci est reliée à la mer par la rivière du Jaudy qui débouche dans la baie de Tréguier, à 6 kilomètres au nord. Le Jaudy forme les limites naturelles de la commune, au nord et à l’ouest.
La Roche-Derrien est située sur la partie du littoral comprise entre Penvenan et Plouha, inscrite en zones «naturelles» depuis le 25 février 1974. D’ailleurs, lieu de nidification
d’espèces d’oiseaux protégées l’est du territoire est inscrit Natura 2000 dans le parc du Trégor-Goëlo.
Keravel est situé sur un côteau du Jaudy entre espaces naturels et agricoles. Il bénéficie de la proximité et de la richesse du site.
Énergie / Climat
Besoins Énergétiques
La consommation énergétique du projet de surélévation n’a pas été évaluée dans le cadre du projet. Cependant le retour d’expérience sur les consommations démontre que les charges du ménages à usage équivalent est constant.On peut en déduire que le besoin de chauffage de l’extension n’a pas impacté les consommations globales. Le relica de consommation des nouveaux espaces est couvert par les apports solaires complémentaire créés.
Ventilation naturelle de la serre
La serre, installée sur le pignon du manoir est réalisée en structure bois traditionnelle. Aucune pièce métallique n’a été utilisée pour les assemblages. Les charpentiers ont recourus a des assemblages bois traditionnels. La couverture et le bardage de la serre
ont été réalisés en polycarbonate ondulé pour valoriser au maximum les apports
solaires.
La surchauffe est régulée par une ventilation naturelle en partie haute. Des vérins viennent
actionner des trappes en faîtage. Ces vérins réagissent à la température par la dilatation de la cire d’abeilles contenue dans le système. Des ouvertures latérales sont elles aussi mise oeuvre selon ce système afin d’accentuer le tirage et la ventilation.
Approche carbon
Aucune ACV n’a été réalisé sur le projet, cependant la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’oeuvre ont été vigilant à l’impact carbon de l’opération. Les éléments clefs de leur réflexion peuvent être résumé comme suit :
Confort / Santé
Gestion de la lumière naturelle
Les rénovations successives ont cherché à optimiser les apports de lumière naturelle comme point commun la recherche. Le bâti ancien est souvent pourvu de petites ouvertures dans les logements, laissant peu de place à la luminosité.
Pour ce qui est des annexes, ces ouvertures sont souvent absentes. La création de nouvelles baies est pensées de manière à préserver la structure du bâtiment et son identité. Le confort d’été est aussi anticipé afin de ne pas créer de surchauffes estivales. Sur la première rénovation, trois large baies sont implantées au sud afin de créer un espace très lumineux ouvert sur une terrasse. L’isolation posée en rampant permet de dégager deux ouvertures de toit qui ajoutent de la lumière naturelle à l’espace. Cette extension sert de puits de lumière pour les pièces du manoir, en second rideau. Le confort d’été est maintenu par des stores extérieurs mécaniques.
Dans le cadre de la surélévation, le sas sur deux niveaux fait office de cage d’escalier et de diffuseur de lumière naturelle dans des espaces qui restaient encore sombres tels que la cuisine et le futur bureau en RDC de la surélévation. Le sas, en relation direct avec la serre rend d’autant plus opérant la diffusion de la lumière naturelle. La surélévation bénéficie de chaque exposition avec des ouvertures réparties sur chaque points cardinaux
Les bâtiments se situent en catégorie 3. Ils jouxtent un axe passant, c’est pourquoi une majorité des propriétaires ont fermé leurs balcons. Le remplacement des menuiseries simple-vitrages restantes par des doubles vitrages performants permettent d’améliorer le confort acoustique des occupants. Des entrées d’air spécifiques auraient pu être préconisées.
Qualité des ambiances
Les matériaux employés jouent un rôle pour le confort hygro-thermique du logement comme nous avons pu le voir précédemment. Ils ont aussi été choisi pour leur qualité esthétique avec une approche qualifié des ambiances dans les espaces créés.
Le traitement par des matériaux naturels et bruts prête un aspect apaisant et chaleureux aux différentes phases de rénovation puis de surélévation.
Social / Économie
Coût de construction
Chantier participatif
L’isolation entre montants en paille a été réalisé par les collaborateurs et des amis de B. Houssais Architecture sur la base du volontariat. Encadré par un AMO Paille, la mise oeuvre des bottes sur chantier avait vocation à participer à la formation des salariés du cabinet d’architecture.
Aujourd’hui, l’ensemble des collaborateurs de la société est formé ou en cours de formation Propaille. Le rapport à la matière est un élément déterminant
pour le travail de l’architecte selon B. Houssais. Au delà de la matérialité s’est aussi l’approche de la ressource durable qui est à souligner. La paille employée sur ce site est d’ailleurs issu d’un sourcing auprès des agriculteurs locaux et provient d’une commune proche du chantier (6km). Les enduits en terre de finition ont aussi été réalisés par les collaborateurs. Ils font office de par-vapeur.
A retrouver dans le REx
- Les singularités du bâti ancien
- Mise en application de la « Guidance Wheel » du CREBA
- Penser confort hygro-thermique plutôt que performance
- Approche vivrière & environnement
- L’eau
- Les déchets